Vingt ans après la Guerre des Élémentaux, la paix est enfin revenue sur le Bras spiral, un espace de la galaxie où les humains ont créé des colonies, côtoyant des empires extraterrestres avec lesquels ils font du commerce. La Terre n'est plus le cœur de l'humanité, désormais éparpillée en clans de vagabonds. Sa capitale, Théroc, est une planète couverte d'une forêt géante dont les arbres semblent tous connectés. Les terriens se surnomment eux-mêmes « les Gitans de l'espace » : ils sont spécialisés dans le recyclage des déchets et le traitement des matières comme la lave, dont l'extraction, sur la planète Shéol, a donné lieu à une puissante industrie. C'est là que vit et travaille Garrison Reeves, avec son épouse Elisa et leur fils Seth. Alors que Garrison est persuadé qu'une catastrophe industrielle est sur le point de se produire, sa femme est obnubilée par sa promotion dans la société d'extraction. Quand Garrison finit par l'abandonner et vole un vaisseau pour aller mettre leurs fils à l'abri, Elisa décide de les poursuivre. Commence alors une traque à travers les paysages époustouflants de la galaxie, hélas menacée par des poches de gaz inflammables et par les derniers « robots noirs » rescapés de la guerre. Dans le même temps, on suit l'avancée d'une navette conduite par des Ildirans, des extraterrestres qui, pour accroître leurs connaissances, volent jusqu'aux confins du Bras spiral, où ils découvrent une dangereuse nébuleuse noire susceptible d'engloutir toutes les civilisations... On croise encore des « remémorants », sortes de savants qui fouillent dans les archives pour réécrire l'Histoire, on traverse des camps de reproduction, on fait étape sur des chantiers spationavals, et l'on s'attache à une chercheuse qui tente de comprendre d'où proviennent les anomalies génétiques observées sur êtres hybrides à la fois humains et extraterrestres.

Ce premier volet de La saga de la nuit de Kevin J. Anderson se déroule dans le même univers que La saga des sept soleils, mais des décennies plus tard. Il s'inscrit résolument dans une science-fiction héritée de Dune ou de Star Wars, séries pour lesquelles l'auteur a d'ailleurs écrit des préquels. On plonge dans une sorte de western interstellaire métaphysique, où les supertechnologies donnent lieu à un scientisme qui se heurte à des courants philosophiques animistes. Ne serait-ce pas ce qu'on appelle ailleurs un « roman total » ? De par l'inimaginable et foisonnante étendue du champ visuel qu'il nous offre, de par la multiplicité des points de vue des dizaines de personnages, de par la diversité des regards qu'il porte finalement sur notre monde présent... Les protagonistes s'y rejoignent dans l'obsession portée sur cette énigmatique sentence : « L'obscurité est son propre avertissement. » On se délecte toujours de cet imaginaire fantasmatique et cosmique délirant qui, comme dans l'œuvre d'une Ursula Le Guin, laisse pointer l'intention de l'auteur de créer une ambitieuse mythologie du futur.