A l’heure du numérique et de la dématérialisation des documents, pourquoi continuer à se rendre à la bibliothèque ? C’est la question que l’Association des directrices et directeurs de bibliothèques municipales et de groupements intercommunaux des villes de France (ADBGV) avait choisi de traiter lors de sa journée d’étude annuelle organisée à l’Ecole nationale supérieure des beaux-arts de Paris le 25 mars. Pour apporter des éléments de réflexion sur le sujet, qui revient régulièrement dans les débats (comme en a encore témoigné la rencontre intitulée "Prêt du livre numérique : faudra-t-il fermer les bibliothèques ? » au Salon du livre de Paris), l’ADBGV a fait le choix assez audacieux d’une table ronde constituée exclusivement d’universitaires, à l’exception de Juliette Lenoir, présidente de l’ADBGV, dans le rôle de modératrice. Pour Charles Lenay, professeur de sciences cognitives à l’université de technologie de Compiègne, la bibliothèque est un lieu propice à la pratique de l’attention profonde dont on déplore régulièrement la disparition chez les jeunes. Ceux-ci sont pourtant les premiers à recourir aux bibliothèques pour y trouver des bonnes conditions d’étude, à l’abri de toutes distractions, comme en ont témoigné plusieurs responsables d’établissements dans l’auditoire, dont Catherine Bony, directrice des bibliothèques de Blois. Un constat paradoxal quand on pense aux efforts déployés ces dernières années par les bibliothèques pour se rendre plus attractives et rompre, justement, avec leur image de lieux d’étude un peu austères.
Dans une logique comparable, Gunnar Declerck, ingénieur en informatique et docteur en philosophie, a émis l’idée de considérer les bibliothèques comme des lieux de pratique du savoir plutôt que comme des lieux de stockage du savoir, et a suggéré de donner plus de liberté aux usagers dans l’organisation des espaces de la bibliothèque. Bruno Bachimont, enseignant-chercheur en informatique, logique et philosophie, a, pour sa part, insisté sur l’importance de restaurer dans l’enseignement universitaire une logique d’appropriation des connaissances, dans laquelle la bibliothèque a toute sa place, face à la logique de l’accès, engendrée par Internet - on accumule des données dont on ne prend pas forcément connaissance. Des pistes qui ont trouvé écho parmi la quarantaine de participants. "Les bibliothèques ont des atouts indéniables", a conclu la présidente de l’ADBGV.
Véronique Heurtematte