14 mars > Essai France

Publié chez Galilée, L’origine de la danse n’appartient pas au cycle Dernier royaume entamé en 1998 avec Vie secrète (Folio) et dont le tome 7, Les désarçonnés (Grasset), est paru en septembre 2012. Pourtant, par sa forme, sa composition en fragments - rapprochements érudits, fouille au corps de la langue, souvenirs personnels, convocation des Anciens - autant que par ses thèmes - tomber-se relever, naître-renaître -, ce livre apparaît tramé des obsessions que Pascal Quignard travaille depuis dix ans.

A partir de Medea, spectacle écrit pour la danseuse de butô Carlotta Ikeda, représenté pour la première fois à Bordeaux en 2010, l’écrivain, qui a collaboré avec des chorégraphes, tire les fils de son étude. « Ankoku-Buto veut dire "danse-issue-des ténèbres-qui-monte-à-ras-du sol". Qui re-naît. Danse qui tente la renaissance. Vie qui cherche à renaître au cours d’une motricité originaire. » L’origine de la danse est surtout danse de l’origine, expérience par laquelle il faut repasser pour revivre, danse de la naissance et de la renaissance, danse-nage de la vie intra-utérine « qui est danse-avant-la-danse », danse-chute du ventre de la mère… « Il y a une danse perdue (dans le corps tombé, désorienté, souillé, atterré, vagissant) lors de la nativité des enfants.La cérémonie de la danse perdue, en japonais l’ankoku butô. »

Mais d’autres danses se déploient ici : la danse lente des autistes, la danse de l’évanouissement, de la « tombée du corps » « comme une valse » un jour de canicule dans le jardin. Danse mortelle entre mère et enfant, Médée et ses fils mais aussi, plus familière, celle de la mère violente et de son fils silencieux. « Maman me voulait du mal d’une façon inexplicable », se souvient l’homme qui, à 2 ans, ne voulait manger que seul et dans le noir. « Pourquoi ces danses de ténèbres et de silence de tous les soirs avant d’aller dormir », ne cesse-t-il de s’interroger.

«Je rêvais que nous puissions interpréter Medea, un jour, dans le port du Havre, où j’avais passé mon enfance », écrit Pascal Quignard au début du livre : vœu qui se réalisera en partie les 29 et 30 avril lors d’un colloque organisé à l’université du Havre autour des lieux de l’écrivain, auquel Jean-Louis Pautrot consacre par ailleurs un livre-CD à paraître le 21 mars chez Gallimard. Et pour prolonger de belle manière la méditation, on signalera la réédition en poche chez Verdier de La danse de Nietzsche de Béatrice Commengé.

V. R.


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