Entre créations de sociétés, radiations et fusions-absorptions en France et au Luxembourg, Amazon a singulièrement compliqué la comparaison de ses résultats et des impôts afférents de 2015 à 2016. Sous le coup d’une enquête de la Commission européenne et d’un redressement de 196 millions d’euros en France, qu’il conteste, le groupe réorganise son système d’évasion fiscale baptisé en interne "projet Roitelet huppé", du nom d’un oiseau emblématique du Luxembourg, où il a installé son siège européen. Contacté, Amazon n’avait pas répondu avant notre bouclage.
L’an dernier, le groupe a modifié le statut d’Amazon Europe Holding Technologies, coquille sans aucun salarié, qui a accumulé 2,3 milliards d’euros de règlements internes sur ses propres brevets, sans aucun impôt. Cette holding a été absorbée par une de ses filiales, Amazon Europe Core SARL. Contrôlée par deux autres entités situées dans le Delaware, un Etat américain proche du paradis fiscal, cette société emploie 165 personnes et a aussi un rôle opérationnel. En juin dernier, elle était ainsi signataire en France de la charte sur le livre d’occasion négociée avec le médiateur du livre.
En 2016, elle a réalisé 3,16 milliards d’euros de chiffre d’affaires (+ 22,3 %), pour 214 millions d’euros de bénéfices (+ 40 %), sur lesquels elle a réglé 21 millions d’euros d’impôts (+ 28,8 %). Les droits sur les brevets de l’ancienne holding ne se retrouvent pas au bilan d’Amazon Core, et les règles de l’impôt sur les sociétés ont changé au Luxembourg.
En France, Amazon.fr, société gestionnaire du site, a été absorbée par Amazon EU SARL, sa maison mère luxembourgeoise, dont elle est devenue une succursale. Elle ne publie donc plus de comptes. Amazon EU, qui encaisse les ventes de biens physiques d’Amazon en Europe, a réalisé 21,6 milliards d’euros de chiffres d’affaires (+ 16 %) en 2016 et 43 millions d’euros de bénéfice, pour 16,5 millions d’euros d’impôts. En 2015, le bénéfice était de 484 millions d’euros, gonflé d’un résultat exceptionnel, pour 47,7 millions d’euros d’impôts.
Amazon France Logistique reste la principale société française du groupe, avec un chiffre d’affaires de 297,2 millions d’euros l’an dernier (+ 274 %), un bénéfice de 14,3 millions d’euros (+ 271 %) et 6,5 millions d’euros d’impôts (+ 233 %). Il s’agit des prestations de service internes, pas de l’activité réelle en France, non communiquée. Le fisc réclame par ailleurs 2,1 millions d’euros de taxe foncière à cette filiale.
Hervé Hugueny