Revoici Marie, Pauline et Julie pour une nuit qu'elles espèrent de folie. En fait, plusieurs nuits différentes que Nine Antico nous débite, entremêlées en six tranches de deux heures traversées de graves questions existentielles - y aller ou pas (à la soirée) ? se laisser draguer ou non ? coucher ou pas ? - et de mille petits riens qui font le quotidien raisonnablement angoissé de jeunes filles en fleurs.
Malgré les apparences, on est loin des saynètes acidulées qui ont envahi les magazines féminins. Si l'humour est bien là, avec aussi une bonne dose d'acidité, la jeune auteure prolonge dans Tonight la démarche engagée dans Girls don't cry (Glénat, 2010 ; voir LH 831, du 3.9.2010). A travers le quotidien cadré serré de ses trois héroïnes - une rousse, une blonde, une brune -, elle restitue aux ambivalences de l'adolescence leur cohérence d'ensemble. Laissant traîner ses pinceaux là où ça fait mal, livrant les détails les plus triviaux bruts de décoffrage, s'attardant sur les malaises et les ambiguïtés , Nine Antico s'impose comme l'une des plus fines observatrices d'un âge aussi ingrat que riche en promesses. Sa technique y est pour beaucoup avec ces cases aux bords arrondis, qui évoquent les téléviseurs des années 1950, aussi bien que ces couleurs primaires passées sur papier ivoire ; un trait rond et des cadrages cinématographiques un peu rétro ; des dialogues qui seraient rohmériens s'ils n'étaient bien plus trash. Nous voici pleinement spectateurs d'un bouleversement intime dont la portée universelle se trouve exacerbée.
