19 JANVIER - HISTOIRE France

Dans La guerre des crayons (Parigramme, 2004), Manon Pignot racontait comment des petits Parisiens dessinaient la Grande Guerre. Elle a élargi son propos pour sa thèse de doctorat dont est tiré Allons enfants de la patrie. A l'aide de nombreux témoignages et de documents, avec quelques incursions dans les fonds anglais et allemands, elle aborde les étapes marquantes du déroulement de 14-18.

L'ouvrage est novateur à double titre. D'abord parce qu'il ne traite pas des enfants dans la guerre mais de la guerre vue par les enfants, ensuite par la méthode qui est mise en place. Cette jeune historienne qui enseigne à l'université de Picardie - Jules-Verne a choisi les faits puis a observé la manière dont ils étaient vus par les enfants.

De la déclaration de guerre à l'armistice, nous regardons ainsi la Grande Guerre à travers Yves Congar, qui n'est pas encore l'un des théologiens les plus influents de Vatican II, ou Françoise Marette bien avant qu'elle ne devienne célèbre et psychanalyste sous le nom de Dolto.

Comme chez les adultes, on constate le surgissement de la peur, des blessures et du sang. La mort devient quelque chose de concret pour ces gosses. Les enterrements se multiplient, les femmes prennent le voile du deuil et des villages entiers finissent par n'arborer qu'une seule couleur : le noir. On remarque aussi que la faim, le froid, le jeu et le rapport au temps varient entre la zone occupée et l'arrière. Vue des enfants des campagnes, la guerre est lointaine. Près des bombardements, elle est douloureuse.

Ce qui manque le plus, c'est évidemment le père, ce père à qui l'on se doit d'écrire, par devoir, par patriotisme, pour maintenir cette image qui n'a jamais été aussi forte depuis qu'elle s'est éloignée. Manon Pignot estime ainsi que parmi de nombreux changements sociaux, la Grande Guerre a réinventé l'image du père. Cette nouvelle paternité qui s'exerce à distance.

Avec le retour des pères, la sortie de la guerre est envisagée comme une sortie de l'enfance avec souvent la mort en mémoire. "Les enfants endeuillés ne portent pas seulement le deuil d'un père ou d'un frère ; d'une certaine manière, ils portent également la mémoire de tous les combattants tombés au champ d'honneur et de la raison pour laquelle ils sont morts : la mémoire de la guerre."

Car derrière ces enfants, on trouve les pères. Des pères qui ne se doutent pas que ces enfants feront à leur tour la guerre vingt ans plus tard...

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