Julien Mellismo, le narrateur, n'est pas un homme sans qualités. Cultivé, écrivain en devenir, il n'est l'auteur jusqu'à présent que d'un guide oenologique remarqué. Dans le civil, il est dénicheur de grands crus de champagne (comme l'Ereignies rosé) ou de whisky (comme le Samaroli Bouquet 66) pour le compte d'amateurs fortunés. Mais c'est aussi un trentenaire frimeur et misanthrope, misogyne et cynique. Sa devise : "le vent, le vin, la vie". Ses passions, outre le champagne, dont il parle magnifiquement : la Méditerranée, la voile, la pétanque, les espadrilles, les parfums... On est tout prêt à le suivre.
Après un séjour dans des caves champenoises (décrites de façon hugolienne), Julien rejoint des amis dans leur paradis tropézien, la Villa Voc, où a été tourné Bonjour tristesse, d'après Sagan et avec Jean Seberg. Et justement, parmi les invités, il y a Oïga Svensson, une photographe suédoise qui travaille sur l'actrice et essaie même de lui ressembler un peu. Arrive ce que l'on imagine : quelques jours d'amours torrides et balnéaires. Au point que Julien, sa belle repartie, décide de la rejoindre à Stockholm. Où tout va déraper.
Durant plusieurs mois, il vit chez elle. Mais c'est l'hiver, le froid, l'ennui. Oïga n'est plus toute à lui comme à Saint-Tropez, elle a sa vie, son travail, ses relations. Alors Julien va voir ailleurs, rencontre d'autres femmes, comme la féministe lesbienne Johanna, ou Renatte, une femme mûre à qui il plaît beaucoup et chez qui il finit par s'installer.
Il ne reverra Oïga qu'une fois, au printemps, lors du vernissage de sa première exposition. Au lieu de photos, la jeune artiste montre une "installation" : des frigos remplis de coupes à champagne contenant le sperme congelé de tous ses amants durant dix ans ! Dont Julien, bien sûr, qui entre en fureur, fait un scandale public et met en scène leur rupture de façon "baconienne"...
Fantasque - le nom du bateau du père de Julien - est un roman foutraque, composite. Outre l'intrigue principale, on y trouve de belles digressions et quelques morceaux de bravoure, beaucoup de bavardages pseudo-philosophiques, quelques mots crus et calembours pas vraiment indispensables, et aussi des pages fulminantes sur la vulgarité de notre époque, bien vues.
Après une première partie de carrière romanesque fulgurante (Original remix : Le lys dans la vallée et Emma Jordan : moeurs du béton, parus chez Julliard en 1999 et 2002), l'inclassable Thomas A. Ravier s'est un peu fourvoyé, puis s'est fait rare. Traqueur lui-même de whiskies, il vivait à Edimbourg. On est content de le retrouver, même avec un livre de transition dont le succès, qu'on lui souhaite, pourrait lui permettre de trouver un second souffle.