L'un des plus étranges et lancinants romans étrangers publiés l'année dernière était signé de l'Allemand Michael Köhlmeier, dont Maurice Nadeau avait précédemment fait traduire Ta chambre à moi en 2000. Mince et dense, Idylle avec un chien qui se noie (éditions Jacqueline Chambon) se lisait, d'une traite, comme une étrange réflexion sur la création et la mort. Madalyn, son nouveau livre, se révèle tout aussi fascinant bien que d'une tonalité différente.
Sebastian Lukasser est un écrivain célèbre établi à Vienne. Nous savons qu'il a un fils adulte, qu'il est séparé de sa compagne, Evelyn, et a vécu deux ans aux Etats-Unis dans les années 1980. Le roman qu'il a entrepris met en scène un homme qui, adolescent, a tué quelqu'un et s'interroge sur ce qu'a ensuite été sa vie.
Le narrateur et héros de Köhlmeier connaît depuis sa naissance une dénommée Madalyn. La fille de ses voisins du dessous, M. et Mme Reis. Il a vu grandir, apprendre à tenir sur un vélo, une gamine à la frimousse "un peu sauvage" et aux cheveux "tout frisés". Madalyn s'est toujours montrée bavarde, contrairement à ses parents, lui racontant ce qu'elle faisait à l'école. Lukasser était là quand, à 5 ans, elle s'était fait renverser par une voiture, que "son bras saignait si fort qu'une mare de sang était en train de se former sur l'asphalte". C'est même lui qui l'avait alors accompagnée à l'hôpital.
En 2009, année où se déroule le roman, Madalyn a presque 14 ans. Elle déteste ses parents, surtout sa mère, et vient de tomber amoureuse de Moritz. Un garçon de 16 ans, qui fume du haschich, s'est déjà attiré des ennuis avec la police et la loi, mais rédige aussi des poèmes... Variant les registres et montrant encore l'étendue de ses talents de conteur, Michael Köhlmeier s'intéresse ici aux fêlures et aux obsessions. A ces moments dangereux de l'adolescence où l'on peut déborder en un instant à cause d'un amour inconsidéré.
Madalyn, Michael Köhlmeier Jacqueline Chambon, tirage : 2 200 ex. 21, 80 euros, 224 pages, ISBN : 978-2-330-01254-0. Sortie : 3 octobre.
