Le 17 mai dernier, a été votée, en quasi catimini, une révision de la fameuse loi du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse, au cœur d’un texte législatif « de simplification et d’amélioration de la qualité du droit ». L’occasion aurait été heureuse de se débarrasser, sinon de moderniser véritablement dans un sens plus libéral, ce texte de censure que les professionnels du livre dénoncent régulièrement, et en vain. Car, l'article premier de la loi de 1949 souligne toujours qu'elle vise «  toutes les publications périodiques ou non qui, par leur caractère, leur présentation ou leur objet, apparaissent comme principalement destinées aux enfants et adolescents  », auxquels viennent d‘être adjoints «  tous les supports et produits complémentaires qui leur sont directement associés  ».   La quasi-totalité des livres pour enfants subissent donc, comme la presse s'adressant au même public, une législation pour le moins archaïque, puisqu'elle a été élaborée à la sortie de la guerre pour tenter d'endiguer le flot des publications américaines. Sans parler des très nombreux ouvrages littéraires qui ont subi les foudres de l'article 14 de la loi de 1949. William Burroughs, en 1964, Georges Bataille, en 1967, Pierre Guyotat, en 1970, sont autant d'exemples des dérives ministérielles qui ont cependant conduit, quelques années plus tard, à la levée des interdictions les plus erratiques. Le nouveau texte entraîne la modification d’une dizaine d’articles, dont certains ne concernent que les périodiques et non les livres. La plupart des changements sont de pure forme, mais quelques-uns méritent de s’y attarder. Ainsi, auparavant, la loi disposait que «  les publications (…) ne doivent comporter aucune illustration, aucun récit, aucune chronique, aucune rubrique, aucune insertion présentant sous un jour favorable le banditisme, le mensonge, le vol, la paresse, la lâcheté, la haine, la débauche ou tous actes qualifiés crimes ou délits ou de nature à démoraliser l'enfance ou la jeunesse, ou à inspirer ou entretenir des préjugés ethniques. » A présent, ont été gommées la plupart des notions désuètes (la paresse…) au profit des contenus «  présentant un danger pour la jeunesse en raison de leur caractère pornographique ou lorsqu'il est susceptible d'inciter à la discrimination ou à la haine contre une personne déterminée ou un groupe de personnes, aux atteintes à la dignité humaine, à l'usage, à la détention ou au trafic de stupéfiants ou de substances psychotropes, à la violence ou à tous actes qualifiés de crimes ou de délits ou de nature à nuire à l'épanouissement physique, mental ou moral de l'enfance ou la jeunesse.  » Par ailleurs, la composition de la commission chargée de la surveillance et du contrôle des publications destinées à l'enfance et à l'adolescence a été également modifiée. Le représentant du ministre de la santé publique a disparu, ainsi que celui du secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre, chargé de l'information. Les représentants des éditeurs de publications destinées à la jeunesse ne sont plus que deux au lieu de trois. Idem pour ceux des éditeurs de publications autres que celles destinées à la jeunesse. Même réduction pour les représentants des dessinateurs et auteurs, désignés par leurs organisations syndicales. Ceux des mouvements ou organisations de jeunesse (désignés sur proposition de leurs fédérations, par le Conseil supérieur de l'éducation nationale) sont réduits de quatre à un délégué. Les parents passent de deux à un. Les quatre parlementaires sont éradiqués et la magistrature ne conserve qu’un membre sur deux. En revanche, la commission «  comprend, en outre, avec voix consultatives, le Défenseur des droits ou son adjoint Défenseur des enfants, le président du Conseil supérieur de l'audiovisuel et le président de la commission de classification des œuvres cinématographiques du Centre national du cinéma et de l'image animée, ou leurs représentants respectifs.  » Bref, le chantier de modernisation n’a pas abouti aux résultats tant espérés, et depuis tant d’années, par les professionnels du livre. Mais ne désespérons pas de l’avenir. Ça tombe bien : nous entrons bientôt dans la période des vœux…  
15.10 2013

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