Auteur polymorphe, Jean-Luc Cornette travaille souvent en duo avec un dessinateur (Michel Constant, Christian Durieux, Emmanuel Moynot, Eric Warnauts, Stéphane Oiry, Flore Balthazar, René Hausman, Vanyda ou Marc-Renier, entre autres) sur un projet dont il réalise le scénario. Mais pour adapter La perle, court roman publié en 1947 par le grand John Steinbeck, il a travaillé seul, assurant lui-même également le dessin. Ce choix renforce la cohérence et la puissance d'un album aussi sombre que sont expressif le trait de l'auteur et vives ses couleurs, sous le soleil écrasant de la Basse-Californie où se déroule l'intrigue composée comme une fable sociale par l'écrivain américain, qui s'est inspiré d'un conte mexicain.
Au sud de la Californie donc, à proximité du Mexique, Kino exerce le dur métier de pêcheur de perles. Chaque jour depuis sa barque, sans autre matériel que son couteau pour détacher et ouvrir les huîtres, il plonge dans l'océan Pacifique, revenant le plus souvent bredouille dans la masure où il vit pauvrement aux confins du désert, avec sa femme Juana, qu'il n'a pas encore trouvé les moyens financiers d'épouser, et son fils de quelques mois, Coyotito. Or voici qu'un scorpion pique le petit Coyotito et que le médecin du bourg refuse de le soigner puisque ses parents n'ont pas la possibilité de le payer. Kino redouble d'ardeur à la pêche aux huîtres et finit par remonter la perle, « la plus grosse perle du monde », celle qui doit lui permettre de financer les soins de son fils.
Las, à peine remontée du fond de l'océan, la perle attise toutes les convoitises. Aux propositions malhonnêtes succèdent les menaces et les agressions, jusqu'au drame. L'argent ne fait pas le bonheur, c'est la morale de l'histoire. Mais ce n'est pas la seule. Jean-Luc Cornette, qui place son récit sous les doubles auspices d'un cochonnet débonnaire et d'un chien aux allures de renard prêt à mordre, presse l'intrigue jusqu'à l'épure pour en exsuder toute la misère du monde tel qu'il se présente aux pauvres. Ce désert de Basse-Californie aussi beau que menaçant. Cet océan à la fois nourricier et maléfique. Ces bourgeois aussi indifférents que voraces. Ces pêcheurs aussi solidaires que jaloux, et retors, et violents quand ils doivent lutter pour leur survie.
Le dessinateur juxtapose ses cases plus qu'il ne les assemble. Il s'agit moins de raconter une histoire que de montrer un état du monde et des hommes. Une tension, des angoisses et une violence qui vont croissant. Une fois libérées, inutile de penser les arrêter.
La Perle - D’après le roman de John Steinbeck
Futuropolis
Tirage: 5 000 ex.
Prix: 20 euros ; 136 p. en coul.
ISBN: 9782754816397