Quelque chose nous dit, dans l’énergie du ton et la vigueur de la langue - argot poétique mâtiné d’english, phrases sans verbe, dialogues sur le vif -, que cette fille qui essaie de faire Comme une grande, héroïne quadra du premier roman d’Elisa Fourniret, doit avoir quelques gènes communs avec sa créatrice, responsable des Auteurs-SACD à Paris. C’est avec le même humour que l’écrivaine documente son parcours sur la page de garde des éditions du Mauconduit. "Fallait bien s’essayer à la vraie vie au sortir de l’université de la Sorbonne Nouvelle (Paris III), un mémoire sur les tragédies de Pier Paolo Pasolini en poche."
Revenons à notre héroïne narratrice : 40 ans, une grande sœur, un fils en CE1, "enfant de la famille des grands contestataires", un ex - le père du garçon - dans une situation précaire… Femme à la croisée des chemins, elle tente de concilier vie de mère et d’amante, pas sûre de vouloir se remettre sur "le marché du love". Elle appartient à cette catégorie de marrantes un peu désespérées, ou plutôt de désespérées qui font comme si, par "dégoût du mélodrame". Plutôt du genre bravache donc, style "même pas mal", elle a hérité de l’injonction "Marche ou crève", également déclinée en "Secoue toi ma vieille, je me dis", d’une enfance de "gosses d’ouvriers" à Longwy en Lorraine. L’Est parisien est désormais son territoire : les rues en pente de Ménilmontant et de Belleville qu’elle monte et descend, les cafés de quartier refuges, les zincs escales où elle attrape les bribes de conversations au hasard ou retrouve les vieux potes pour débriefer. "Le taf qu’on n’a plus, le fric qui manque, l’âge qui vient, l’amour qu’on ne croise pas, les enfants qu’on n’aura peut-être plus. Le combat ordinaire." On suit cette aventurière de la vraie vie le plus souvent le sourire aux lèvres et le cœur parfois serré. V. R.