Ce curé de choc fut celui d’un très grand choc : le big bang. On doit en effet à Georges Lemaître (1894-1966), astronome et mathématicien génial et trop peu connu, la théorie de l’expansion de l’Univers, ce qui implique donc l’idée d’une origine comme l’avait suggéré avant lui le Russe Alexandre Friedmann. Einstein pardonnera difficilement à ce prêtre belge d’avoir remis en cause son univers statique qui allait si bien à sa relativité et il le soupçonnera d’avoir mis un peu de théologie dans sa science en lui lançant : « vos calculs sont corrects, mais votre physique est abominable ».
Dans ce livre qui a le grand mérite d’être clair, concis et complet, Vincent Engel rend justice à ce chanoine belge qui n’a jamais confondu sa foi avec la science. Bien mieux, il a démontré que l’on pouvait mener les deux avec la même conviction, sans que l’une n’interfère avec l’autre. De toute manière, Lemaître faisait de la science en ayant compris qu’apprendre c’est savoir qu’on ne sait pas…
Au passage, Vincent Engel offre à ses lecteurs un petit cours d’astronomie et de relativité à la portée de tous, ce qui n’est pas le moindre attrait de l’ouvrage. Il rappelle que depuis l’Antiquité, l’histoire des découvertes ne ressemble pas à un long fleuve tranquille.
Auteur de nombreux romans dont Retour à Montechiarro (prix des Lecteurs du Livre de poche), Vincent Engel enseigne sur le thème « Principes et fonctionnement de la fiction » à l’Université catholique de Louvain, le fief de Georges Lemaître. On sent bien l’écrivain fasciné par le parcours de ce scientifique qui met à mal le bon sens si cher à Descartes. Ce bon sens qui nous empêche de lâcher prise pour laisser notre esprit s’égarer dans les étoiles ou dans un roman sans savoir où l’un et l’autre nous mèneront.
Laurent Lemire