Dans son discours pour l’inauguration de la Foire du livre de Francfort, Emmanuel Macron rappelait l’anecdote du Faust de Goethe traduit par le jeune Nerval en 1830. A plus de 80 ans, le grand poète allemand avait trouvé cette traduction si épatante qu’elle lui avait permis, disait-il, de redécouvrir son œuvre. Il est vrai qu’à l’époque, dans l’Europe intellectuelle, tout le monde lisait le français…
Voici une seconde illustration de cet échange franco-allemand à travers un autre grand classique de la littérature. Goethe est toujours là, mais un peu plus jeune. Nous sommes en 1803. Grâce à son ami Schiller, qui fouille les archives de Catherine II à Saint-Pétersbourg, il vient de traduire la Satire seconde de Diderot sous le titre Rameaus Neffe, "Le neveu de Rameau".
En France, on pense d’abord à un canular car on ne retrouve aucune trace du manuscrit original. En 1821, faute de mieux, Joseph-Henri de Saur et Léonce de Saint-Geniès retraduisent le texte de Goethe en français. Ce "Neveu" d’outre-Rhin s’impose jusqu’à ce que le manuscrit autographe de Diderot refasse miraculeusement surface à la fin du XIXe siècle.
Jacques Berchtold et Michel Delon dévoilent cette histoire stupéfiante et proposent les trois textes : la traduction de Goethe, la rétrotraduction des deux aristocrates et l’original de Diderot.
A travers l’aventure des manuscrits du Neveu de Rameau, ce livre nous propose de revenir sur un grand écrit philosophique et moral du XVIIIe siècle. C’est également un essai sur la traduction, sur la fidélité à l’égard d’un chef-d’œuvre qui traverse les cultures et sur la manière dont il est reçu. L. L.