23 août > Histoire Etats-Unis > Linda Heywood

En 2010 paraissait chez Chandeigne l’ouvrage d’un missionnaire italien nommé Giovanni Antonio Cavazzi de Montecuccolo. Il faisait le portrait de Njinga, reine d’Angola dont il fut le confesseur. Il décrivait aussi la vie quotidienne en Afrique centrale au XVIIe siècle. Dans une biographie passionnante, Linda Heywood revient sur l’histoire de cette reine guerrière qui résista près de trente ans aux Portugais avant de faire la paix en se convertissant au catholicisme sans jamais renier sa culture ni sa liberté.

A la tête du royaume de Ndongo-Matamba, Njinga Mbandi (1582-1663) régna sans partage. Elle possédait un harem féminin et masculin, obligeait ses concubins à dormir avec des servantes et faisait exécuter ceux qui succombaient à la tentation. Celle qui fut "Maître des armes et Grand Guerrier" fut présentée par les Européens comme une Cruella d’Afrique. Linda Heywood (université de Boston) préfère la comparer à ses presque contemporaines Elizabeth Ire d’Angleterre ou Pocahontas.

Avec elle, nous pénétrons au cœur des ténèbres, sur un territoire où l’histoire et l’ethnographie se mêlent aux fantasmes, un monde où la violence accompagne le faste. Cavazzi n’était pas très intelligent, certes, mais il écrivait bien et surtout il fut le confesseur de cette reine fascinante jusqu’à ses funérailles qui eurent lieu à 81 ans! Trop heureux de se pousser du col en montrant comment il avait réussi à convertir cette femme intrépide et sexuellement dominatrice, il observa, nota et consigna, aussi excessif dans l’horreur que dans la louange.

Linda Heywood se sert d’autres sources, moins connues, pour nous laisser voir une reine finaude, combattante, habile à se jouer des Portugais et des usages des Blancs, se métamorphosant en homme lors d’un rituel ou rejoignant la secte des cannibales Imbangala. Elle montre la richesse d’un royaume et d’un peuple dans une géographie hostile, les colons ne sachant pas naviguer sur les fleuves indomptables. Quant à la cruauté, elle reste partagée dans ce monde où la violence de l’esclavage atteint des sommets, où les Portugais coupent le nez des Africains tombés sur le champ de bataille en guise de trophée et envoient les autres au Brésil.

La guerre de résistance permit à Njinga de préserver son indépendance. Linda Heywood lui redonne sa place dans l’histoire comme une figure trop méconnue de l’émancipation africaine. L. L.

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