Dans l’imaginaire collectif, les années "flower power" restent liées à la musique, à l’insouciance et à la libération sexuelle. Mais l’aspect "peace & love" a balayé une autre réalité : la prolifération des drogues. C’est en tant que journaliste pour Life Magazine que James Mills le découvre, d’abord. Son enquête sur le trafic new-yorkais lui permet de côtoyer au plus près les junkies. "Les toxicos, c’est des animaux qui vivent dans un monde ignoré de tous." Ils sont prêts à mentir, trahir, tuer père et mère pour avoir leur dose. Comment en arrivent-ils là ?
Désireux de leur donner un visage et une dignité, le reporter entreprend un virage en publiant en 1966 Panic in Needle Park (le Parc aux Seringues). Un roman adapté pour le grand écran, en 1971, avec Al Pacino dans le rôle principal et réédité aujourd’hui par Inculte. Il est l’incarnation de Bobby, héroïnomane et dealer invétéré. "Ma vie, c’est la came. Je veux avoir un vrai boulot. Redevenir un gars normal." Mais il n’en est rien.
Sa rencontre avec Helen lui procure la même extase qu’une bonne défonce. Lorsqu’elle plonge à son tour, l’amour vire au cauchemar. Ils sont aussi accros à l’héroïne que l’un à l’autre. Une double dépendance qui sera leur pénitence. Ce roman intense suit ces deux paumés, sans les juger. Tombés dans le piège de la poudre blanche, ils basculent dans la prostitution. James Mills trouve les mots justes pour nous entraîner vers leur échafaud. On sent qu’il a vécu en immersion cette descente aux enfers à laquelle on assiste, impuissants. Une injection de réalisme saisissante. K. E.