Fiscalité

L’Assemblée nationale tente de colmater l’évasion fiscale d’Amazon et cie

L’Assemblée nationale tente de colmater l’évasion fiscale d’Amazon et cie

Les députés ont voté quelques dispositions dont l’objectif vise à compliquer les montages fiscaux des géants de l’Internet.

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Par Hervé Hugueny
Créé le 14.11.2013 à 19h03 ,
Mis à jour le 14.11.2013 à 23h18

L’évasion fiscale pratiquée à grande échelle par Amazon, Apple, Google et autres géants de l’Internet est devenu un sujet de préoccupation parmi les gouvernements européens, qui tentent plus ou moins de colmater des brèches qu’ils ont auparavant rendues possibles, et sont aujourd'hui intensément utilisées par ces multinationales américaines.
 
Approuvés en commission des finances la semaine dernière, six amendements devaient être votés en séance plénière tard dans la soirée, le 14 novembre lors de la discussion du budget 2014, avec l’objectif de compliquer les montages fiscaux mis en place par ces entreprises.
 
Il s’agit notamment de mesures techniques qui doivent permettre aux services fiscaux de mieux comprendre ces montages, pour en contester éventuellement les modalités et appliquer des redressements. Les groupes dont le chiffre d’affaires dépasse 152,4 millons d’euros devront communiquer leur comptabilité analytique ;  ceux dont le chiffre d’affaires dépasse 400 millions d’euros devront présenter toute leur documentation concernant les prix de transfert entre filiales françaises et étrangères ; les sociétés de conseil devront communiquer les shémas d’optimisation fiscale qu’elles proposent à ces groupes.
 
Une disposition vise à faciliter la répression de l’abus de droit (détournement de l’esprit d’une réglementation), et d’autres à durcir des amendes, ou à accélerer leur encaissement. D’autres amendements ont été repoussés dès l’examen en commission des finances, notamment celui qui prévoyait d’appliquer les déclarations concernant les prix de transfert aux entreprises réalisant 100 millions d’euros de chiffre d’affaires, au lieu de 400 millions aujourd’hui - un seuil que ni Amazon ni Google n’atteignent en raison des encaissements détournés vers le Luxembourg ou l’Irlande. La déclaration systématique à la justice des procédures engagées par les services fiscaux a aussi été rejetée.

Rapport parlementaire pointant l'évasion fiscale
 
Les députés se sont appuyés sur un rapport parlementaire publié en juillet dernier (voir document ci-contre), selon lequel Amazon, Apple, Facebook, Google et Microsoft auraient dû s’acquitter de 800 millions d’euros d’impôts en 2011 si ces groupes avaient respecté la réglementation de base observée par la majorité des entreprises. Ils ont payé en réalité moins de 40 millions d’euros d’impôts, en s’appuyant sur des interprétations de la réglementation qui font maintenant l’objet de redressements.
 
La France réclame ainsi 200 millions euros d’arriérés d’impôts à Amazon, en raison d’un système d’évasion fiscale transitant par le Luxembourg. Le cybermarchand conteste ce redressement en utilisant toutes les ressources juridiques à sa disposition. Les parlementaires de la  Grande-Bretagne, dont la réglementation est très complaisante à l’égard des paradis fiscaux, commencent à s’inquiéter du manque à gagner causé par ces détournements. Ils ont auditionné les représentants de ces grands groupes, notamment celui d’Amazon qu’ils ont un peu malmené, sans conséquence pour le moment en terme de changement dans ces pratiques.
 
En France, le projet de taxation des données personnelles collectées par ces groupes, nouvelle et véritable richesse que le rapport Colin et Collin suggérait de fiscaliser, est plus ou moins abandonné en raison de sa complexité. Paris tente de faire changer la réglementation internationale, dans l’Union européenne et dans l’OCDE.

Le sujet suscite aussi de nombreuses publications, dont une Enquête sur les paradis fiscaux, tout juste publiée au Seuil dans la collection "La République des idées".

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