Amélie Nothomb, c'est l'Amélie Poulain du livre. Elle fait apparaître le monde de l'édition sous de jolies couleurs, nimbé d'une douce nostalgie.
Ce n'est pas grâce à ses thèmes, qu'elle choisit plutôt dans un registre pervers ou violent. Son premier roman était titré Hygiène de l'assassin. Son 21e et dernier en date, à paraître fin août comme il se doit, est une variation autour de Barbe-Bleue, son conte préféré, nous assure-t-elle dans ce numéro, car "avant d'être un assassin, c'est quelqu'un qui a simplement le sens du secret".
Si Amélie Nothomb fait doucement rêver le monde de l'édition, c'est parce qu'elle incarne l'auteur quasi idéal, une espèce en voie de disparition. Fidèle, elle confie chaque année depuis vingt ans un nouveau roman pour la rentrée littéraire à Francis Esménard, le patron d'Albin Michel. Sans avoir songé à aller voir ailleurs, apparemment du moins, et avec la régularité d'un métronome. Féconde, elle a déjà publié vingt romans mais en a écrit trois fois plus. Ainsi, 45 manuscrits dorment dans les boîtes à chaussures d'un appartement bruxellois. Auteure à succès dont les best-sellers se vendent rarement à moins de 100 000 exemplaires, elle est philologue de formation, aime la langue et a le souci du mot juste. Populaire certes, mais couronnée par le grand prix du Roman de l'Académie française. Cerise sur le gâteau, elle n'a pas d'ordinateur (elle écrit à la main) et ne semble pas particulièrement fascinée par le numérique.
L'auteur idéal, donc, mais bien esseulé dans son genre, si l'on en croit l'épais numéro de la revue Le Débat intitulé Le livre, le numérique, une passionnante radioscopie d'un monde en profonde mutation. Erik Orsenna, l'un des intervenants, est formel : "Il va y avoir un bras de fer entre les auteurs et les éditeurs. » "Je suis fasciné par ces gens qui croient que ce qu'ils ont connu va toujours durer », ajoute-t-il à l'attention des éditeurs. Pas de quoi troubler Amélie Nothomb.
