Critique gastronomique homme de radio et de télévision (ses "Escapades" sur France 5 sont cultes), Jean-Luc Petitrenaud est, pour notre terroir français, une espèce de Charles Martel moderne. Il le défend, à coups de fourchette vigoureux, contre les hordes de la sinistre malbouffe et du grotesque fooding. Jusqu'alors, il avait publié une quinzaine de livres directement inspirés de son sacerdoce professionnel, alimentaires au sens propre, comme Mes envies de vivre, mes plus belles histoires de table (paru chez Hachette en 2008).
Cette fois, tout en demeurant dans le registre gourmand puisqu'une (petite) moitié de ses textes se situe à la cuisine ou au restaurant, Petitrenaud se risque dans une entreprise inédite pour lui : célébrer "le petit » ainsi que son compère un peu canaille "le p'tit », selon que l'on préfère le restaurant ou le bistrot, dans des textes (petits, forcément) qui encensent aussi bien le "petit coup de blanc » que les "petits farcis », "le petit monsieur » ou "la petite vie ».
Mais le petit monsieur, c'est un certain Jacques Prévert, évoqué à Omonville-la-Petite, ce village de la Manche où il avait transporté ses pénates, lui, le titi parisien, et où il est mort en 1977. Quant à la petite vie, c'est celle des gens heureux, tout simplement, lesquels n'ont, paraît-il, pas d'histoire. Petitrenaud, lui - qui s'est lancé dans cette aventure à force d'être moqué par l'humoriste Nicolas Canteloup à cause de tous les "petit" qu'il glisse dans les recettes de ses émissions -, en a plein, des histoires à raconter. Y compris la sienne, qui surgit au détour d'un chapitre. Lorsqu'il évoque son enfance, sa petite soeur, ou cette vieille voisine de sa grand-mère bourbonnaise qui lui mijota ses premiers petits plats.
L'univers de Petitrenaud est un petit monde un peu nostalgique, tout de tendresse, d'humour et de simplicité. Un tantinet gnangnan, parfois. A propos des meilleurs textes, on pense à Philippe Delerm, à une chanson de Charles Trenet, "resté fidèleà des [petits] riens qui pour [lui] font un tout », ou encore à certains personnages de Sempé. Le petit lexicologue va rougir. Car Petitrenaud ne pose pas à l'écrivain, et, en bon Auvergnat, avance prudemment en littérature, où il sait qu'il est un bleu. Il n'empêche que son livre possède de solides qualités, et qu'on aimerait bien lire un jour non pas tant une suite que quelque chose de plus ample, de plus grand.