Le projet Mein Kampf Prévention [1] vise à modifier, pour un cas précis, les règles fondamentales du droit d’auteur. Il s’agit d’anticiper l’entrée dans le domaine public, en 2016, de Mein Kampf . Philippe Coen, initiateur du projet et éminent juriste, souhaite concilier liberté d’expression et droit de la propriété intellectuelle, tout en rappelant la nocivité de l’ouvrage. Adolf Hitler a rédigé son texte entre 1923 et 1925. La première publication date de juillet 1925. Adolf Hitler étant mort en 1945, son « œuvre » tombera dans le domaine public au 1 er janvier 2016, soit, conformément aux règles européennes en la matière, soixante-dix ans après la mort de l’auteur (la date étant toujours repoussée au 31 décembre suivant). A la fin de la Seconde Guerre Mondiale, les Alliés ont confié la propriété des droits de Mein Kampf au Land de Bavière, lequel s’est acquitté de sa mission avec la plus grande parcimonie, ne délivrant les autorisations de publication, qu’au compte-goutte. En Allemagne, comme en Hollande, le livre est interdit de commercialisation. L’ouvrage est en revanche édité sans restriction aucune en Iran, en Turquie, en Inde, en Indonésie ou encore en Russie. En France, la cour d’appel de Paris, dans un arrêt en date du 11 juillet 1979, a imposé un assez long avertissement (de huit pages) sur la version proposée par les Nouvelles Editions Latines, en estimant que le livre pouvait être autorisé à la vente compte tenu de son intérêt historique, mais devait être accompagné toutefois d'un texte mettant en garde le lecteur . Un article publié par Michel Temman dans Libération le 29 octobre 2009, sous le titre « Mein Kampf en manga fait fureur au Japon », y révélait que Waga Toso , adaptation manga du livre d’Hitler, s’était vendu à plus de 45 ? 000 exemplaires, après avoir été publié en violation des droits d’auteur détenus par le land de Bavière. En 2008, les spécialistes estimaient que près de 70 millions d’exemplaires de Mein Kampf avaient été mis en circulation depuis la première édition. Le projet vise à instaurer un Règlement européen. En pratique, il s’agit d’encadrer toute diffusion de l’œuvre, des éditions papier à l’accès intégral ou par extrait sur Internet. Pour les éditions papier, serait obligatoire l’ajout de l’avertissement déjà imposé par la cour d’appel de Paris dans la langue de l’édition. L’Europe obligerait à respecter l’intégrité du texte pour éviter de l’édulcorer. Concernant la diffusion sur Internet, un onglet sur chaque page permettrait le renvoi à l’avertissement, traduit dans toutes les langues disponibles sur le site. Pour l’heure, les porteurs du projet, comprenant des juristes, des historiens et notamment des éditeurs ont, interpellé fin janvier les candidats à la présidentielle avec cinq premières propositions, sous forme d’une résolution non contraignante et respectueuse de la liberté de l’expression : 1 . encourager les éditeurs en ligne et papier à offrir une introduction critique et pédagogique au devant de textes incitatifs aux crimes tels que Mein Kampf ; 2 . encourager les opérateurs et les éditeurs papier et Internet à utiliser une signalétique (logo) indiquant que le contenu de l’ouvrage consiste en un discours de haine incitant au crime et à la discrimination raciale ; 3 . encourager les opérateurs et les éditeurs papier et Internet à apposer une signalétique (logo) pour garantir que leur site, édition, plateforme sont dépourvus de contenu haineux et incitatif au crime et à toute forme de discrimination raciale ; 4 . encourager les éditeurs de contenus haineux dotés de l’appareil critique ci-dessus à s’abstenir de tirer profit de l’édition de tels contenus ; 5 . créer un Observatoire de Prévention de la Haine (réseau informel d’experts) afin de réfléchir en toute indépendance aux questions relatives à la diffusion de la haine (à commencer par les textes d’Hitler). [1] Dont l’auteur de ce blog tient à signaler au lecteur qu’il en est officiellement signataire.