4 mai > Premier roman France

11 février 1957, un homme meurt d’une mort légale, républicaine. Sa tête est détachée de son corps, comme amputée du corps social. Le guillotiné porte le nom de Fernand Iveton. L’ouvrier communiste et militant anticolonialiste rallié au FLN est le seul Européen condamné à mort à avoir été exécuté durant la guerre d’Algérie. Un destin abrégé que raconte Joseph Andras dans un très beau premier roman à l’écriture à la fois classique et âpre.

La bombe que Iveton avait posée dans l’usine à gaz du Hamma où il travaillait n’a pas explosé. Elle avait été placée à un endroit où elle ne risquerait pas de faire de victimes - il ne voulait pas de morts, avait-il insisté - et programmée à une heure censément creuse. Du pur sabotage, c’est ce qu’il voulait, Iveton, faire détonner la colère des colonisés, des prolétaires, des opprimés, faire entendre le cri d’une Algérie enfin libre. "Tahia El Djizaïr !" (Vive l’Algérie !), a-t-il hurlé "pour ne pas pleurer ou s’effondrer", quand on lui a annoncé que sa grâce avait été refusée. René Coty, le président de la République, et François Mitterrand, le ministre de la Justice ont dit non. Fernand Iveton y croyait. Il épousait une cause mais n’avait pas tué. Il y croyait tant qu’il avait inscrit dans son "Cahier de Prisonnier" n° 6101 son nom, la date de sa condamnation à mort, suivi de "Gracié le…". Dans l’une de ses lettres à sa femme, Hélène, il avait écrit : "Il y a encore de l’espoir et moi j’en ai beaucoup car je n’ai tué ni eu l’intention de tuer personne comme le prouve mon dossier ; je pense qu’en France il sera étudié la tête froide." C’était sans compter sur l’opinion dont la haine était attisée par la presse, l’opinion émue par les attentats. Ses avocats concèdent, oui, son dossier est juridiquement solide mais "il tombe au mauvais moment"."La guerre et la loi n’ont jamais fait bon ménage… L’état d’exception, disent-ils." S. J. R.

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