"Il y a deux endroits au monde où la lumière est vraiment belle : les terrains de golf et les plateaux de cinéma." A trop s'approcher d'eux, à trop fréquenter les uns et les autres, Axel Ribolowski va se brûler les ailes. Il y a chez les heureux du monde plus de destins cabossés, de rêves abîmés, qu'on ne pourrait le croire.

Lorsqu'on le découvre, Axel est allongé dans la neige ; il attend la suite. Mourir ou dormir, c'est selon. Il s'est voulu romancier. Il a longuement frayé avec la bande bohème et géniale gravitant autour du cinéaste Kozlowski, de son producteur, Raphaël Zeitouni et de son scénariste Gaston Chabaneix (en lesquels le lecteur cinéphile reconnaîtra sans peine Roman Polanski, Jean-Pierre Rassam et Gérard Brach). Marchant sur les traces de son père, joueur, tricheur, fugueur, séducteur, surnommé "le Peau Bleu" par ses compagnons de fortune mal acquise, il s'est aussi essayé à la vie au grand air le long de parcours de dix-huit trous, protégé seulement par son intolérable naïveté et un camping-car en bout de course... Bref, si Axel a tout raté, c'est plutôt joliment. Il lui restera peut-être à ne pas rater cette Marie-Angélique qui le sauve de sa couche enneigée, prend soin de lui alors qu'on ne lui a rien demandé, lui fait raconter son histoire et voir du pays, jusqu'en Amérique. Cet ange paradoxal ne semble pas pour autant plus fringant que son protégé, dévasté par la mort accidentelle de son mari et de sa petite fille...

Avec Le parieur, symphonie sans fausse note pour deux outsiders magnifiques, Alexis Salatko poursuit son entreprise littéraire discrètement autobiographique, entamée avec Horowitz et mon père (Fayard, 2006) et poursuivie avec Un fauteuil au bord du vide (Fayard, 2007). Jamais, toutefois, il n'avait exposé à ce point son goût pour les dérives ; celles, terribles, de ses personnages comme celle du style qui lui permet "d'excéder" le réel, d'en livrer une représentation que seul le grotesque rend supportable. En fait, le noir est à ce roman une couleur de fête.