« Il n’est pas bon que tout le monde lise les pages qui vont suivre ; quelques-uns seuls savoureront ce fruit amer sans danger. » Reprenant à leur compte cet extrait des Chants de Maldoror de Lautréamont, les éditions Moutons électriques s'emparent elles aussi du fruit défendu. Au menu de leur rentrée littéraire, le lancement de la collection autonome « Le fruit amer », qui remet au goût du jour le fantastique d'Oscar Wilde et de Flaubert en y ajoutant une touche de modernité.
Dirigée par Melchior Ascaride et Mérédith Debaque, elle comportera des titres modernes ou contemporains, francophones ou étrangers, à condition que leurs histoires mettent en scène des protagonistes qui « tout à leurs vies ordinaires, se noient soudainement dans l’étrange et l’incompréhensible, tandis que leurs repères rationnels s’effritent, les projetant aux limites de l’humanité face aux jaillissements du fantastique. » Cette vision du fantastique est complétée par la recherche d'œuvres mettant des réalités sociales et des problématiques contemporaines au centre du récit.
Un premier titre de Nathan Ballingrud
Le premier titre de la collection, Atlas de l'enfer de Nathan Ballingrud (trad. Alice Ray), est représentatif de cette ligne éditoriale. Lauréat du prix Shirley-Jackson, qui distingue les récits de fantastique psychologique, et déjà adapté par Netflix, il trace les lignes d'un Enfer qui s'est diffusé dans le monde réel, pouvant surgir au détour d'un écran de téléphone portable.
« Le fruit amer » publiera entre trois et quatre titres par an, annonce Mérédith Debaque à Livres Hebdo. « Nous ne nous fixons pas de règle, détaille-t-il. L'objectif est de publier des récits coups de coeur et de qualité. »
L'éditeur anticipe un tirage moyen de 2 000 exemplaires par titre et entend capitaliser sur le regain d'intérêt des lecteurs pour le genre fantastique après les succès récents de la série Blackwater de Michael McDowell, de Notre part de nuit de Mariana Enriquez (Sous-sol) ou encore de Mexican Gothic de Silvia Moreno-Garcia (Bragelonne).
« Le fruit amer » en couverture
Le choix de publier sous la marque « Le fruit amer » traduit aussi la volonté de toucher un public plus large. « Le fantastique est l'une des rares littératures d'imaginaire dont les librairies généralistes n'ont jamais eu honte, poursuit Mérédith Debaque. Avec "Le Fruit Amer" sur la couverture, nous n'apparaissons pas directement comme une collection d'imaginaire, même si les Moutons Électriques restent mentionnés à l'intérieur des livres. »
Le deuxième titre de la collection, dont la date de parution reste à définir, sera La fille perdue du peuple Cree de Jessica Jones, en cours de traduction.