De quelque côté que l'on regarde, le performatif est au cœur du projet romanesque de Céline Minard. Non comme tant d'autres, pour épater les néobourgeois d'une introuvable modernité, mais avec le sens ludique d'un enfant audacieux. Et puis, le jeu, c'est toujours beaucoup plus que le jeu. Ainsi, après le western de Faillir être flingué (Rivages, 2013, prix du Livre Inter) et le récit montagnard de hautes solitudes, Le grand jeu (Rivages, 2016, qui reparaît en poche ces jours-ci), elle nous offre avec Bacchantes une éblouissante variation autour de ce genre noir et ultra-codifié qu'est le roman (et le plus souvent le film) de braquage.
Hong Kong de nos jours, ou peut-être dans un futur très proche. Une tempête terrible, comme sont terribles toujours les fulgurances, s'annonce. Une autre se déroule déjà à l'intérieur de l'un des bâtiments les plus sécurisés de l'île. C'est une cave à vins, un bunker ultra-technologique et censé protéger trois cent cinquante millions de dollars des breuvages les plus précieux. Or, voilà que depuis cinquante-neuf heures, sans que l'on sache comment c'est possible, une bande de malfaiteurs, qui s'avéreront être des cambrioleuses, se sont introduits et enfermés dans le bâtiment sans que l'on puisse clairement établir la nature de leurs revendications. Trois personnes s'y essaient avec un succès incertain, un négociateur professionnel, la policière chargée de l'intervention et le propriétaire de la cave, qui va se laisser doucement aller à ce désastre.
Comme ses cambrioleuses qui, au fond, ne tiennent qu'à la beauté du geste, Céline Minard s'essaie aussi à la prestidigitation, à l'éclat gratuit, à l'explosante fixe. Les idiots n'y verront que du feu ; les lecteurs avisés sauront y reconnaître, sous ses travestissements, la beauté.
Bacchantes
Rivages
Tirage: 15 000 ex.
Prix: 13,50 euros ; 112 p.
ISBN: 9782743645953