Enquête

En romance, des éditeurs toujours plus nombreux

Rayonnage Black Ink éditions - Photo Black Ink éditions

En romance, des éditeurs toujours plus nombreux

Entre nouveaux arrivants et reconfigurations éditoriales, les éditeurs de romance sont plus nombreux que jamais à investir les rayons des librairies. Avec toujours la même problématique : comment se démarquer et s'assurer une place dans un marché en pleine expansion ? Enquête.

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Par Louise Ageorges
Créé le 15.11.2024 à 18h51

En octobre 2024, Odile Levert lançait officiellement LL éditions, au catalogue dédié à la romance. La néo-éditrice, par ailleurs écrivaine, rejoignait ainsi la longue liste des maisons spécialisées participant à l’expansion du genre dans l’Hexagone.

Longtemps reléguée au second plan, voire moquée, la romance connaît aujourd'hui un véritable renouveau, accueillant continuellement de nouvelles maisons d'édition. Ces structures, qu'elles soient récentes ou déjà bien établies, ont dû s'adapter aux contraintes d'un marché en constante évolution.

Laura Chevalier (librairie 9e quai à Annecy) : « Il y a assez de place pour tout le monde »

Lorsqu’on demande aux libraires spécialisées ce qui compose leur rayonnage, les grands éditeurs ne sont jamais loin. Parmi les plus cités figurent Hugo Publishing, BMR ou HarperCollins, mais aussi le tout nouveau label « Verso » au Seuil, « New Rules » à l’Archipel ou encore « Nox », nouvelle collection de romance adulte d’Albin Michel dont le lancement est prévu pour janvier 2025.

Une variété d'acteurs appréciée et valorisée par les libraires, qui leur font en général bon accueil : « Il y a assez de place pour tout le monde », témoigne Laura Chevalier, libraire chez 9e quai à Annecy. Pourtant, Edith Bravard, libraire à l’Encre du cœur (Rouen), constate : « Nous sommes rarement contactés par les petites maisons d'édition. Je trouve dommage qu’elles ne saisissent pas leur chance. »

Mais, estime Marie Wietzorek, libraire à l’Escapade (Strasbourg), « ce n’est pas toujours simple pour les plus petits éditeurs. Des autrices célèbres comme Emma Green offrent à Hugo Publishing une plus grande visibilité. En comparaison, des petits éditeurs comme Sharon Kena, dont les auteurs sont moins connus, peinent à se faire une place en librairie. » Fondée en 2011 par Cyrielle Walquan (alias Sharon Kena) et initialement dédiée à l'autoédition, la maison d'édition Sharon Kena n’a fait son entrée en librairie que récemment, en janvier 2024.

Eugénie Dielenschneider (éditions Céleste) : « La variété de publications donne au genre toute sa richesse »

Une concurrence particulièrement rude qui n’inquiète pas Eugénie Dielenschneider et Charlotte Deloy, de la toute jeune maison d’édition Céleste : « Nous avons certes moins le droit à l’erreur, mais la variété de publications donne au genre toute sa richesse. » Fondées en 2023, les éditions Céleste rencontrent un succès récent, notamment dû à un modèle de vente plus écoresponsable.

Diffusées par CED et distribuées par DOD&Cie, les éditions Céleste ont tenu à faire leurs premiers pas en librairie, comme l’explique Charlotte Deloy, co-fondatrice : « Ça n'a pas été simple auprès des diffuseurs, notre catalogue était plus que réduit, mais ça a fini par marcher. »

Depuis 2024, les éditrices comptent huit titres à leur catalogue, dont six parus et 22 titres programmés pour l’année 2025. À raison de deux parutions par mois, les éditrices prévoient une moyenne de tirage allant de 2 000 à 4 000 exemplaires. Parmi ses plus gros succès, la maison compte surtout des traductions, particulièrement répandues dans les éditions spécialisées en romance : Les Edens de Devney Perry et Là où l’obscurité demeure, d'A.B. Poranek. Les éditrices annoncent qu'elles publieront six autrices françaises l’année prochaine afin de diversifier leur offre. Un attrait local partagé par Odile Levert, fondatrice de LL éditions, qui ne publie de son côté que des plumes françaises.

Odile Levert : « Pas de dark romance chez moi »

Créées en 2020 et initialement dédiées à l’autoédition, les éditions LL ont intégré de nouveaux auteurs à partir d'août 2024. Il s’agit d’Athena Jacob’s et de Sweet Pearl Girl. Vendus notamment à la librairie l'Escapade (Strasbourg) et chez 9e quai (Annecy), les ouvrages sont tirés en moyenne à 300 exemplaires. L'éditrice insiste : « Pas de dark romance chez moi, je valorise le consentement, les bonnes énergies », un choix éditorial important pour Laura Chevalier, libraire chez 9e quai. Elle souligne : « Il est important de penser au jeune public et à celles et ceux qui n’aiment pas ce type d’histoire. »

Odile Levert fondatrice LL édition lors de la soirée de lancement
Odile Levert fondatrice LL édition lors de la soirée de lancement- Photo LL EDITION

Avec 11 000 exemplaires vendus (numérique compris), le plus gros succès des éditions LL est à ce jour C’est promis de Lina Leson (pseudonyme de l’éditrice). Odile Levert tient à limiter le nombre de parutions pour « entretenir un beau lien avec ses auteurs ». Une volonté partagée par Eugénie Dielenschneider chez Céleste qui développe : « Je pense que de plus en plus d'auteurs préfèrent travailler avec des petites maisons d'édition pour notre plus grande écoute et la valeur que nous donnons au travail collaboratif. »

Sarah Berziou (éditions Black Ink) : « Passer en librairie était un risque et une importante décision »

Parmi les nouveaux arrivants cités par les libraires, certaines maisons d'édition sont pourtant présentes sur le marché depuis de nombreuses années. Une bascule qui s’explique notamment par un virage pris dans la romance, du numérique au papier.

Ce choix éditorial pousse certaines maisons à repenser entièrement leur modèle économique. Sarah Berziou, fondatrice de Black Ink, explique : « Chez nous, c’est une sortie par semaine et des tirages allant de 3 000 à 5 000 exemplaires, couplés aux répartitions de pourcentage entre les diffuseurs et distributeurs. Passer en librairie était un risque et une importante décision. »

Rayonnage Black Ink éditions
Rayonnage Black Ink éditions- Photo BLACK INK ÉDITIONS

Née sur les réseaux en 2016, Black Ink a longtemps profité de l’engouement de sa « fanbase », ses ventes se faisant jusqu’alors exclusivement sur un site dédié. Depuis un an maintenant, la maison d’édition, basée en Charente-Maritime, passe par DOD&Cie qui distribue ses ouvrages partout sur le territoire. Sarah Berziou poursuit : « Jusqu’à maintenant, certains exemplaires se vendaient à 90 % en numérique, aujourd’hui, c’est l’inverse. » Parmi ses plus gros succès papier, l’éditrice cite Inside Mac de Eny Heli, The Contest d'Isabelle Fourié et Just a little crush de Tyler Brown.

Édith Bravard (librairie L’Encre du cœur à Rouen) : « Il est primordial pour les éditeurs de développer une identité graphique propre »

Que ce soit chez Black Ink ou chez Sharon Kena, le passage au papier et donc en librairie a été motivé par plusieurs arguments. Tout d’abord, la recherche d’un nouveau public plus jeune, absent des réseaux ou n’ayant pas la possibilité de commander en ligne. Ensuite, l’attrait des lectrices (elles sont majoritaires) pour l'esthétisme des ouvrages.

Pour Édith Bravard, libraire à l’Encre du cœur, c’est une évidence : « Il est primordial pour les éditeurs de développer une identité graphique propre, de soigner l’esthétique ». Elle poursuit : « Certaines lectrices retiennent des couvertures d’ouvrages vues sur TikTok et finissent par collectionner les titres d’une même maison d’édition. » La libraire donne l’exemple des éditions Plumes du Web.

Tous sur les réseaux sociaux

Avec les années, la création de contenu sur TikTok est devenue un passage nécessaire pour se lancer et/ou se maintenir dans le marché de la romance. Les éditions Céleste ont d'ailleurs largement misé sur certains influenceurs comme @the_secret_of_a_book (Colyne). L'influenceuse compte plus de 10 000 abonnés sur Instagram.

Huit ans après la fondation de sa maison d’édition et bien consciente de ces nouveaux enjeux, Sarah Berziou poursuit son travail de communication sur les réseaux. Elle développe : « Tout ce que l’on poste sur les réseaux est vite obsolète, il faut toujours se réinventer. Si on n’est pas Hugo Publishing, la création de contenu est indispensable. » Mais jouer le jeu des réseaux sociaux n'est pas l'unique clé du succès, comme le rappelle aussi l’éditrice Cyrielle Walquan : « Chez Sharon Kena, les autrices qui réalisent les plus fortes ventes ne sont pas présentes sur les réseaux. »

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