13 avril > Premier roman France > Pierre Cochez

Pour son premier roman, Pierre Cochez, journaliste à La Croix et auteur d’un récit, Tel fils (Phébus, 2015), a choisi de raconter une histoire d’amour, longue, complexe et émouvante entre deux garçons qui se rencontrent à l’adolescence, que la vie et les conventions séparent un temps, mais qui ne parviennent pas à s’oublier et finiront par se retrouver, dix ans après, pour le meilleur et pour le pire. Résumé ainsi, cela peut faire un peu bluette, mais ce n’est pas le cas. Cochez a réussi à écrire une éducation sentimentale "particulière" dans les années 1980-1990, une peinture de la société bourgeoise non manichéenne, avec en arrière-plan la réception de l’homosexualité dans la société, l’évolution des mœurs, et aussi la menace de ce qu’on n’appelait pas encore le sida, et que des âmes pieuses préféraient nommer "le cancer gay".

Bruce Dahaut, le narrateur, 16 ans en 1982, est un jeune bourgeois, maison et Sainte-Croix à Neuilly, tennis au Racing Club, rallyes, et cette demeure familiale normande de Manneville où il aime à se réfugier. Il aime aussi la pop musique : les Beatles, Pink Floyd, Cat Stevens… Après le bac, avec son meilleur ami, Armand de Villebresme, il a prévu d’aller à Oxford suivre un cursus en PPE (philosophie-politique-économie). Mais Armand, un taiseux "racé", est tué dans un accident de la route, sous ses yeux. Bruce ne s’en remettra jamais, et part seul pour fuir cet épisode douloureux.

A Oxford, il fait la connaissance d’Alexander, son aîné, étudiant en littérature anglaise. Tout les sépare. Originaire des âpres îles Féroé, c’est un grand roux sportif, capitaine d’une équipe d’aviron, "lent, ennuyeux", mais aussi "rassurant". Et très beau. Il le surnomme "le guépard", après qu’ils ont échangé leur premier baiser, et croit que leur amour rimera avec toujours. S’ensuivent des années de bonheur clandestin, au collège ou à Manneville, et même en Allemagne, chez la riche Babsie, leur amie commune. Chez les Dahaut, qui se révéleront une famille épatante, ouverte, aimante (surtout le grand-père et le père, très beaux personnages), on fait semblant de rien, et l’ami sait se faire apprécier.

Mais, en 1985, alors que Bruce, qui veut devenir journaliste, est en stage à TF1, Alex décide de rompre : "Notre vie à la marge ne me va pas", lui dit-il. Il se "normalise" en épousant Babsie et lui fait un fils, Thomas. Pour Bruce, le choc est terrible. Dans les années qui suivent, il va tenter de s’étourdir dans le travail, grand reporter à l’AFP, et dans des amours de passage, sans succès. Il n’oublie pas Alexander, avec qui les ponts n’ont jamais été vraiment coupés, jusqu’à 1990… On n’en dira pas plus, laissant le lecteur savourer ce roman tout en sensibilité et en finesse. J.-C. P.

 

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