En déambulant dans les allées du Salon du livre de Paris tout le week-end, on se serait parfois cru au Japon, pays invité d'honneur de cette 32e édition.
Devant la Grande Scène, derrière la statue gonflable géante de Naruto, le héros du manga qui fête ses dix ans cette année, la foule s'était amassée samedi pour suivre le défilé cosplay, ces jeunes déguisés qui semblent tout droit sortie d'une revue japonaise. La France est le pays le plus « Naruto maniaque » après le Japon avec 1,5 million de volumes vendus.
Samedi 17 mars, du côté de l'amphithéâtre du CNL, le prix Nobel de littérature 1994 Kenzaburô Oê intervenait sur la littérature de la catastrophe devant un public passionné et des visiteurs amassés pour tenter de l'apercevoir. Et le lendemain, la Scène des auteurs était comble une heure avant l'entretien de l'écrivain avec le journaliste Philippe Lefait. Martine Grelle du CNL souligne de son côté « la très belle rencontre du samedi soir avec Yoko Tawada » et « le renouvellement de la littérature japonaise depuis 1997, date de la première invitation du Japon au Salon de Paris, grâce au travail des traducteurs et des éditeurs ».
La cérémonie du thé, l'essayage de kimono et le tsunami
Du côté du Pavillon japonais, surmonté d'une vague dessinée à l'aide de fines planches de bois, la programmation a intéressé le public : le rituel de la cérémonie du thé de Sadoh, la démonstration d'ikebana (art floral), le Kamishibai (théâtre de papier pour enfants), l'essayage de kimono, l'initiation au japonais, ou encore la calligraphie. Ces activités côtoyaient l'exposition de photographie en soutien aux victimes du tsunami. C'est au milieu de ces clichés que s'est tenue la séance de dédicaces des célèbres mangakas Naoki Urusawa, Rieko Saibara et Nobuyuki Fukumoto.
Sur le stand des éditions Picquier, spécialisées en littérature asiatique, le libraire Philippe Meyer est clair : « Les thématiques Japon, Chine ou Inde dopent les ventes et nous permettent d'atteindre nos objectifs fixés avant chaque salon. » Il note le succès des romans graphiques de Florent Chavouet et des livres de Hideo Furukawa, qui dédicaçait, de L'Archipel des séismes, écrit par un collectif d'auteurs, dont les droits seront reversés aux sinistrés, de Murakami Ryû avec Les bébés de la consigne automatique et de Risa Wataya pour Install et Appel du pied. « Le chiffre d'affaires de notre confrère Gilbert Joseph, qui tient la librairie japonaise, est un fort indicateur... et cette année ils vendent plus que nous. » La raison : la configuration en forme carrée du stand Picquier « qui ne favorise pas l'échange... Du coup on perd en impact », regrette-t-il. Qui dit moins de surface, dit moins de livres aussi : « Nous n'avons pu déployer la totalité du fond en dehors du Japon et de la Chine ; cela s'est fait au détriment d'autres pays demandés, la Corée par exemple, et de la jeunesse. »
« Nous n'avons jamais vu ça ! »
Sur le grand stand de la librairie japonaise, tenue par Gibert Joseph, impossible de se frayer un chemin. « Nous n'avons jamais vu ça ! En fait, nous proposons l'offre la plus exhaustive possible avec 3 200 références qui ne sont pas toujours disponibles toute l'année », se félicite Benoît Authier, le responsable de la librairie officielle du Salon. Si tous les genres sont représentés, il reconnaît que « les mangas se vendent deux fois plus » mais que la littérature prime davantage dans le panier du visiteur. Kenzaburô Oê, « figure de proue », se démarque avec ses deux nouveautés dans le top 3 des ventes, juste derrière L'Archipel des séismes (Philippe Picquier), en tête avec 230 volumes vendus dimanche en fin d'après-midi. Le chat qui venait du ciel de Takashi Hiraide (Philippe Picquier) se place en 4e position. Les trois volumes de la saga 1Q84 (Belfond) et Sommeil (en poche chez 10/18) de Haruki Murakami, ainsi qu'Appel du pied de Risa Wataya sont dans le Top 10.
Auparavant, les 13 et 14 mars, le CNL avait accueilli un séminaire franco-japonais organisé par le Bief avec 35 éditeurs japonais et une centaine d'éditeurs français afin de d'échanger sur les possibilités de travail entre les deux pays ; les discussions autour du numérique et du manga ont été un point fort.