L’éditeur américain DC Comics a vu coup sur coup Barnes and Nobles puis Books-a-Million retirer ses productions de leurs rayons. La raison de ce boycott portant sur des centaines d’albums et de points de vente ? L’accord d’exclusivité conclu par DC Comics avec Amazon (et son Kindle) — une exclusivité de quatre mois pour chaque nouveauté ! En réaction, le patron de Books-a-Million s’est montré très ferme : «  Nous ne promouvrons pas les titres des éditeurs qui contractent ce genre d’accords exclusifs et créent ainsi un terrain de jeu inégal sur le marché  ». En France, une telle attitude de la part de libraires ne serait pas plus juridiquement répréhensible qu’elle ne l’est aux Etats-Unis. Rappelons en effet que les appels au boycott n’ont jamais été en tant que tels, en droit français, des agissements susceptibles d’être attaqués. Les entreprises visées choisissent alors d’agir sur d’autres terrains, en particulier sur celui du droit des marques si les logos sont reproduits et brocardés dans des appels rendus publics. Quant au refus de vente entre professionnels, il n’est plus prohibé depuis la loi du 1 er juillet 1996. Il l’est seulement pour ce qui concerne les clients non professionnels. Et encore n’est-il plus aussi sévèrement sanctionné qu’auparavant. Il ne s’agit plus, en tant que tel, d’un délit depuis 1986, une ordonnance ayant abrogé les dispositions pénales.   Le refus de vente est désormais prévu à l’article L. 122-1 du Code de la consommation. Mais il a été jugé, par le Tribunal de Paris, en 1980, qu’il ne peut être reproché à un libraire de ne pas vendre un livre qu’il n’a pas en stock…. En clair, retourner les livres permet de refuser la vente au client final ! Le refus d’une prise de commande n’a pas plus été considéré en justice comme véritablement punissable à partir du moment où des raisons économiques (coût, délais, gestion des arrhes, etc.) peuvent justifier une telle attitude. Restent bien évidemment les liens contractuels qui existent entre éditeurs et libraires. Et qui peuvent obliger ces derniers à vendre des produits d’un partenaire particulièrement déloyal. Mais il leur est alors possible de contre-attaquer. Les pratiques discriminatoires sont sanctionnées par des dommages-intérêts si elles sont injustifiées. L’article 36 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 dispose en effet : « engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou artisan (…), de pratiquer, à l’égard d’un partenaire économique, ou d’obtenir de lui des prix, des délais de paiement, des conditions de vente ou d’achat discriminatoires et non justifiés par des contreparties réelles en créant, de ce fait, pour ce partenaire, un désavantage, ou un avantage dans la concurrence. ». Une telle disposition concerne également le cas des liens entre le distributeur et le libraire... Il reste que le boycott n’en demeure pas moins le moyen sans doute le plus rapide, pour son ou ses initiateurs, d’obtenir gain de cause lorsqu’ils s’estiment injustement lésés. Voici tout juste trente ans, en 1981, le SLT, Syndicat des librairies universitaires et techniques (aujourd’hui disparu car fondu dans le SLF) avait décidé de boycotter les plus gros producteurs du secteur de l’époque (notamment Masson, Litec et Bordas) dont ils estimaient que les remises étaient léonines. Le mouvement fut suivi par la majorité des adhérents du SLT, qui obtinrent satisfaction… en un mois seulement.  
15.10 2013

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