C’est lors d’une table ronde intitulée « La grande transformation numérique : le début de la maturité ? », que les débats se sont intéressés à la situation et à l’avenir du livre numérique en France. Et si les professionnels de l’industrie musicale présents ont présenté leur secteur comme quasi mature face aux nouveaux enjeux numériques, notamment sur le sujet de la consommation en streaming, les représentants du monde du livre ont tenu un autre discours.
Un marché trop jeune
« Nous évoluons dans un tout jeune secteur qui tente de vivre seulement maintenant sa révolution », a expliqué Hélène Mérillon, présidente et cofondatrice de Youboox, plateforme de lecture numérique en streaming qui revendique 1 million de lecteurs, dont la moitié à l’étranger. « Contrairement aux industries de la musique, du cinéma ou encore des jeux-vidéos, nous sommes bien loin de la maturité ».
D’après un livre blanc distribué pour l’occasion par l’AFDEL et intitulé « Numérique : de nouveaux horizons pour la culture », les e-books grand public « représenteront 13% des revenus du livre d’ici 2019 ». Rappelons qu’actuellement, le livre numérique peine à franchir le seuil des 3 % du chiffre d'affaires global de l’édition en France, et qu’en termes de parts de marché, le numérique est estimé à 1,6 % des ventes en valeur (GFK). Mais le livre blanc de l’AFDEL, succession de chiffres et de textes donnant à voir un futur culturel numérique, l’affirme : « Globalement, le secteur des industries culturelles est en croissance, et toute la croissance vient des produits numériques et des services ».
« L’objectif premier dans la transformation numérique du monde du livre doit être de conserver la valeur qualitative de l’offre », a poursuivi Coralie Piton, directrice de la stratégie et du livre à la Fnac. « Notre raison d’être est avant tout de protéger la culture », a-t-elle assuré, rejointe sur ce point par Hélène Mérillon. L’objectif commun invoqué : amener un public plus large à la lecture, notamment via la lecture sur mobile.
Ebooks et Candy crush
« Le danger, ce n’est pas le streaming. Le vrai danger, c’est que le livre ne soit pas présent sur les smartphones aux côtés de Candy Crush et Angry Birds », a lancé Hélène Mérillon avant d’ajouter : « Notre combat : faire vivre la lecture numérique, via des partenariats tissés avec les éditeurs. Nous ne vendons pas de livres mais plutôt un service de découverte du livre ». Comme la plupart des start-ups qui animent le marché de la lecture numérique en France, Youboox, se voit comme un« animateur de fond éditoriaux plutôt qu’un créateur de contenus littéraires ».
De son côté, Coralie Piton estime que : « le marché du livre numérique ne sera pas mature et pérenne tant qu’il ne se sera pas stabilisé. Contrairement aux autres produits culturels, il n’est pas utile de proposer des abonnements illimités à 10 euros par mois qui ouvrent à la bibliothèque infinie, quant le lecteur français ne lit pas plus de 10 livres par an. En matière de lectures numériques, nous devons donc chercher de nouveaux modèles, qui proposent les bonnes lectures ». Parmi les pistes de progression invoquées : des ebooks vendus toujours moins cher, et sortant systématiquement le même jour que les versions imprimées.
L’important restant, d’après Loïc Rivière de l’AFDEL, de « développer le marché en accord avec le reste du monde du livre. Tous les éléments pour avancer sont là, mais le secteur reste encore tétanisé par la mainmise d’Amazon". Après avoir été coupé par le départ précipité d'Yves Riesel, dirigeant de Qobuz estimant – en visant la Fnac – que les intervenants n'avaient pas eu la parole de manière équitable, il conclut que « l’innovation ne se fait jamais sans résistance ».
@olyvyer Postures, langue et jambe de bois! #forumtokyo
— Yves Riesel (@yvesriesel) 24 Novembre 2015