Etudiée depuis plus de quarante ans par le ministère de la Culture, l’évolution des pratiques de lecture des Français trouve aujourd’hui son pendant dans la transformation de la place du livre dans les médias audiovisuels. De même que le noyau de gros lecteurs n’a cessé de s’effriter au fil des décennies, au profit d’une lecture de livres plus répandue mais moins intensive, les émissions vraiment dédiées au livre se sont réduites comme peau de chagrin au profit d’une présence plus diffuse des livres et de leurs auteurs sous forme de capsules et autres pastilles réparties dans les grilles de programmes. Ce que le spécialiste des médias Frédéric Martel appelle la "fragmentation des prescripteurs".
L’impact sur le lecteur est forcément plus dilué. La promotion des livres s’en trouve compliquée pour les éditeurs et pour les libraires. Mais le livre est partout et c’est tant mieux, car il y a aujourd’hui plus que jamais un livre pour chaque circonstance et pour chaque état d’âme. Si l’on a pu craindre qu’en se dispersant le livre et singulièrement la littérature perdent toute visibilité, il faut reconnaître que plusieurs des nouveaux formats ouverts récemment à la radio comme à la télévision ne se contentent pas d’utiliser les livres et les auteurs comme des faire-valoir. On a même pu voir en cette rentrée des écrivains tels Amoz Oz, Jean-Paul Dubois, Gaël Faye ou Salman Rushdie invités à parler de leur œuvre dans les matinales très écoutées de France Inter, Europe 1 ou RTL.
Pourtant, si les romans et les essais trouvent une place à la radio et à la télévision, la bande dessinée y est réduite à une portion très congrue. Le livre pratique y est plus utilisé que mis en valeur. La littérature de genre, la SF, la fantasy et même le polar, y demeure largement méprisée. Et rares sont les occasions d’y entendre parler des livres pour la jeunesse ou des ouvrages d’art. Dans l’audiovisuel, le livre est partout, mais certaines catégories de livres, et pas des moindres, ne sont malheureusement quasiment nulle part.