Frais de port

Le médiateur du livre émet un avis défavorable sur le retrait gratuit dans les casiers Amazon

Casiers Amazon de retrait en points de vente de livres - Photo Photo by Arnaud Le Vu / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Le médiateur du livre émet un avis défavorable sur le retrait gratuit dans les casiers Amazon

Saisi le 19 novembre 2024 par la ministre de la Culture Rachida Dati après l'annonce par Amazon du déploiement de 2 500 points de retrait gratuits, le médiateur du livre estime que la livraison sans frais de port n'est possible en magasins que si le retrait s'effectue au niveau des caisses. Le retrait en consigne automatique devrait en revanche être payant.

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Par Louise Ageorges
Créé le 12.02.2025 à 19h02

Jean-Philippe Mochon, médiateur du livre chargé de la conciliation des litiges relatifs à l'application de la législation sur le prix du livre, a émis un avis défavorable concernant les casiers de retrait Amazon. Cet avis fait suite à la saisine de la ministre de la Culture Rachida Dati le 19 novembre 2024 en réponse à la décision d'Amazon de déployer sur le territoire français 2 500 points de retrait de livre gratuits. En revanche, le médiateur a validé le principe de la livraison gratuite si les livres sont retirés aux caisses des points de vente concernés.

Détournement de la loi Darcos

L'initiative d'Amazon consiste notamment à affranchir de frais de livraison les acheteurs de livres d’un montant inférieur à 35 euros, contournant ainsi la loi du 30 décembre 2021, dite loi Darcos, entrée en vigueur le 7 octobre dernier. Pensée pour favoriser le déplacement en librairie et limiter la concurrence déloyale entre les grandes plateformes de vente en ligne et les petites librairies, le texte impose notamment des frais de port de 3 euros sur les livres neufs jusqu’à 35 euros d’achat en ligne.

En déployant ces points de retrait, Amazon entend bénéficier d'une large présence sur le territoire tout en évitant la tarification. Une démarche alors vivement critiquée par les libraires et distributeurs dès son annonce le 5 novembre 2024.

Critiquée par Amazon, la loi Darcos bénéficie directement aux librairies indépendantes de petite taille, en particulier celles situées dans les plus petites villes. En effet, selon les chiffres publiés par les représentants des libraires le 5 février 2025, après un an d'application, la loi Darcos a permis aux commerces physiques de gagner plus de 3 points de part de marché (données communiquées dans le rapport).

Les points de vente font barrage

Amazon compte pour sa part sur la participation des grandes surfaces, maisons de la presse et autres lieux de vente similaires pour installer ses points de retrait. En effet, le texte de la loi Darcos précise que le service de livraison du livre ne peut être gratuit, sauf si « le livre est retiré dans un commerce de vente au détail de livres. »

De nombreuses organisations se sont opposées à cette initiative, jugée déloyale pour les petits commerces. En décembre, le groupe NAP-Maison de la Presse, particulièrement présent en zone rurale, avait tiré la sonnette d'alarme pour exprimer son désaccord. À ce jour, le médiateur indique dans son rapport qu’aucune organisation ou entreprise rencontrée lors des auditions ne soutenait l'initiative d'Amazon.

« Les Français, y compris dans les zones rurales, ont accès à un réseau de vente de livres »

« Un livre sur deux vendu par Amazon en France est expédié vers des zones rurales et des communes de moins de 10 000 habitants », s'était pour sa part défendu Frédéric Duval, directeur général d'Amazon France, qui présente la gratuité des points de retrait comme une réponse à l'inégalité d’accès aux produits culturels, en particulier en zones rurales.

Un argument démenti par les différents réseaux de librairies et le médiateur qui résume dans son rapport : « Dans l’ensemble, les Français, y compris dans les zones rurales, ont un accès à un réseau de vente de livres largement présent sur le territoire ».

Oui au retrait en boutique, non aux casiers autonomes

L'un des enjeux principaux abordés dans ce rapport concerne le retrait de commande. À ce sujet, le médiateur du livre fait une distinction claire entre le click and collect et les casiers autonomes.

Les casiers automatiques, ou « lockers », ont été contestés notamment en raison de leur emplacement (parkings ou devantures de magasins). De plus les retraits autonomes ne permettant pas de contact direct avec les enseignes, ils ne favorisent pas les réseaux concernés ni les interactions humaines. Ainsi, le rapport conclut à leur propos : « La mise à disposition de livres dans des casiers automatiques ne saurait se prévaloir de la possibilité de retrait gratuit prévue par le législateur ».

En revanche, le click and collect est accepté par le médiateur du livre « à condition que le commerce en question vende effectivement des livres et que le retrait se fasse auprès de ce commerce, par exemple en caisse ou à un point d’accueil clients ».

Enfin, Jean-Philippe Mochon annonce qu’il « veillera, tout comme il s’assurera, en particulier dans le cadre de l’instruction d’une saisine faite par Amazon le 9 janvier, du respect de la loi par l’ensemble des autres acteurs, afin d’accompagner l’ensemble de la filière dans la mise en œuvre d’une loi qui semble bien commencer à porter ses fruits. »

Amazon réagit

Sitôt l'avis du médiateur rendu public, Amazon a réagi : « L’avis rendu public aujourd’hui confirme clairement que la livraison de livres peut être gratuite lorsque le retrait est effectué dans tout magasin qui vend des livres, tel que cela est prévu par la réglementation en vigueur et pratiqué par Amazon et de nombreux acteurs de la grande distribution et des grands magasins spécialisés comme Fnac et Cultura. Nous sommes cependant en désaccord avec certaines conclusions du rapport qui se nourrissent d’une lecture biaisée du droit applicable », a déclaré un porte-parole de la plateforme.

Amazon a également réagi à l'étude du 5 février, référencée par le médiateur du livre, estimant « repose en grande partie sur des données non publiques et non vérifiables, ne permettant pas d’attester du sérieux et de la crédibilité de ses conclusions. » « Nous nous étonnons que ses commanditaires confirment que les ventes de livres ont continué à décliner après l’entrée en vigueur des frais de livraison minimaux sur les livres, mais décernent néanmoins un satisfecit à cette mesure. Cette conclusion incohérente témoigne du sens des priorités d’acteurs qui privilégient leurs intérêts économiques particuliers à l’intérêt des lecteurs. Dans un contexte de recul marqué de la lecture et d’inquiétudes persistantes sur le pouvoir d’achat, favoriser et réduire le coût de l’accès aux livres devrait être une priorité partagée de l’ensemble des acteurs du secteur », a poursuivi la plateforme.

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