Un peu plus d’un an après l’application du décret portant à trois euros minimum les frais de port de livres neufs pour des commandes en ligne allant jusqu’à 35 euros, Amazon annonçait, début novembre, un retour des livraisons gratuites de livre. Une décision que le géant de l'e-commerce entend matérialiser via l’utilisation de casiers automatisés (ou « lockers ») dans plus de 2 500 points de retrait, situés dans des commerces de ventes de livres.
Du côté des professionnels du secteur, le projet a suscité de nombreuses inquiétudes, éditeurs et libraires dénonçant un « contournement de la loi » en vigueur. En réaction, la ministre de la Culture Rachida Dati a donc saisi, mardi 19 novembre, l’avis du médiateur du livre. Celui-ci sera rendu fin janvier.
« La bataille qui est en cours est une bataille pour ou contre la défense du prix unique »
« Je m’interroge sur ce que doivent être les conditions de retrait de commandes de livres suffisantes pour satisfaire aux exigences prévues par la loi pour que puisse être appliquée la gratuité dans le respect des grands équilibres souhaités par le législateur », a énoncé la ministre de la Culture, dans la lettre de mission adressée au médiateur du livre.
« Nous avions interpellé la ministre il y a une quinzaine de jours, en apprenant le projet d’Amazon. Cette saisie est une très bonne chose. Cela tend à prouver que la ministre aussi a des doutes quant à la conformité de l’action d’Amazon, au regard de la loi Darcos », indique quant à lui Guillaume Husson, délégué général du Syndicat de la librairie française (SLF) joint par Livres Hebdo.
« Il est important que tout le monde puisse se rendre compte que la bataille qui est en cours est une bataille pour ou contre la défense de la loi du prix unique. Nous avons, en face, un acteur qui use de dumping et qui se bat contre notre écosystème », a-t-il ajouté. De son côté, le Syndicat national de l'édition (SNE) a de nouveau désapprouvé « toute manœuvre délibérée de contournement de la loi ».
Après les auditions, un avis remis fin janvier
Pour éclairer Jean-Philippe Mochon, médiateur du livre qui rendra son avis « d’ici la fin de janvier », nous a-t-il précisé, plusieurs auditions des organisations représentantes, au premier rang desquelles figurent le SLF, le SNE ainsi qu’Amazon, se succèderont de fin novembre à début janvier.
« Il s’agira d’interroger Amazon sur la portée précise de son annonce, de mettre sur la table les différentes interprétations de la loi et de rechercher celle qui est la plus fidèle tant à sa lettre qu’à son esprit », a détaillé Jean-Philippe Mochon, ajoutant que « c’est peut-être, à la fin, un juge qui tranchera, mais le sujet mérite maintenant d’être posé le plus clairement et le plus précisément possible ».
À noter que les 2 500 points de retrait concernés par l’opération menée par Amazon (sur les plus de 30 000 avec lesquels Amazon travaille toute l’année) ont été retenus parce qu’ils vendent des livres au milieu de nombreux autres produits.
Il s’agit le plus souvent de supermarchés et d’hypermarchés, majoritairement situées hors des grandes villes. Dans un communiqué, le géant de l'e-commerce cite, entre autres, les villes de Mehun-sur-Yèvre (Cher), Le Plessis-Belleville (Oise), Broons (Côtes-d’Armor), Vinon-sur-Verdon (Var).