Livres Hebdo - Comment percevez-vous l'évolution de la Fnac ?
Vincent Chabault - La Fédération nationale d'achats des cadres a fondé son succès, dans les années 1960, sur un modèle commercial inédit basé sur l'alliance avec le consommateur, le conseil technique, les prix bas ainsi que l'animation culturelle. Son développement était alors en parfaite adéquation avec l'époque. Lorsque, en 1974, elle a ouvert sa première librairie rue de Rennes, elle a créé une véritable onde de choc dans le secteur du livre en présentant un assortiment d'une ampleur jusqu'alors inégalée, en généralisant la vente en libre-service et surtout en accordant des rabais systématiques de 20 % pour tous sur tous les livres. Le premier coup de griffe à son modèle a été donné en 1981 avec l'instauration de la loi Lang qui lui a interdit de pratiquer des rabais de plus de 5 % sur les livres. Mais le vrai tournant critique est intervenu à la fin des années 1980 lorsque la GMF, son propriétaire de l'époque, s'est lancée dans une politique d'expansion coûteuse et pas toujours heureuse. A côté de certains échecs à l'international, notamment à Berlin, la Fnac n'a pas compris tout de suite certaines mutations du marché de la distribution et notamment l'intérêt d'un développement en périphérie des villes, ce qui a laissé le champ libre à E. Leclerc puis à Cultura. En revanche, il faut reconnaître qu'elle s'est vite intéressée à Internet, en créant FnacDirect en 1997, puis en reprenant Alibabook.com en 1999.
Que représente aujourd'hui la Fnac pour le consommateur ?
La marque est encore forte, mais son modèle s'est banalisé. Alors que certaines de ses méthodes commerciales ont fait école, ses efforts menés à partir des années 1990 pour améliorer sa rentabilité lui ont fait perdre sa singularité. Historiquement, les fondateurs de la Fnac voulaient un personnel composé de passionnés, capables de conseiller les clients en toute indépendance... Aujourd'hui, comme toute entreprise de grande distribution, elle veut avant tout des vendeurs. Dans le même temps, elle a revu la profondeur de son offre dans le secteur culturel et n'a plus du tout la réputation d'être bon marché sur les produits technologiques. Se rendre à la Fnac ne signifie donc plus rien de particulier pour le client. Et les évolutions stratégiques actuelles ne sont pas de nature à inverser la tendance. Face au recul de l'ensemble de ses marchés, l'enseigne renforce à la fois ses efforts de rationalisation et de diversification tous azimuts. Il est d'ailleurs amusant de remarquer qu'en s'intéressant à l'électroménager elle ne fait que revenir sur des marchés qui étaient les siens tout au long des années 1960. En tout cas, si l'on peut comprendre qu'elle cherche des relais de croissance, son image est de moins en monis claire.
Quel avenir imaginez-vous pour le groupe après son introduction en Bourse ?
Tout va dépendre de sa capacité à convaincre les actionnaires de l'accompagner dans ses développements. Si l'introduction en Bourse se fait l'année prochaine comme le souhaite PPR, la période de Noël, dont les résultats seront étudiés de près, sera une étape clé. Sachant que les investisseurs vont demander des résultats et de la rentabilité à une entreprise qui, dans le même temps, doit faire face à une baisse de l'ensemble de ses marchés, le challenge ne sera pas simple... Mais pas impossible. La Fnac le peut, si elle veut renouer avec des fondamentaux dont elle s'est éloignée mais qui font partie de son histoire et de ses gènes.