7 MAI - ESSAI Israël

C'est un procès pour l'exemple. Dans le double sens de faire un exemple et de donner l'exemple. C'est tout l'intérêt de cette magistrale étude de Claude Klein qui nous replonge dans Le cas Eichmann, dont l'examen commence le 11 avril 1961 à Jérusalem. Il le fait en juriste, mais aussi en historien.

Procès d'Eichmann en Israël (avril 1961).- Photo DR

Dans Deux fois vingt ans, Israël (Le Félin, 1990), le même auteur analysait avec acuité les métamorphoses de la société israélienne, notamment dans ses rapports conflictuels avec la Palestine, avec en toile de fond son propre itinéraire. Né en 1939 en France, Claude Klein y a fait ses études de droit avant de s'installer en Israël en 1968. Il devint un spécialiste renommé du système politique israélien et fut doyen de la faculté de droit de l'Université hébraïque de Jérusalem.

C'est donc en expert qu'il nous conduit à cette "anatomie" - pour reprendre son expression - du cas Eichmann. Une exploration qui se fait en plusieurs étapes, en allant toujours un peu plus en profondeur. Claude Klein revient bien sûr sur le parcours de cet homme qui fut identifié à la réalisation "technique" de l'extermination des Juifs et qui fut exécuté le 31 mai 1962, dans une prison près de Tel-Aviv. Mais c'est surtout le procès lui-même, avec l'importante polémique qu'il déclencha, qui l'intéresse.

Point par point, mais sans que cela ne devienne jamais trop technique, Claude Klein reprend les pièces du dossier : l'arrestation rocambolesque d'Eichmann en Argentine par les agents du Mossad, l'instruction, les débats, la couverture médiatique, le jugement et la controverse lancée par Hannah Arendt. Dans Eichmann à Jérusalem, la philosophe critiqua sans ambages le côté spectaculaire et politique du procès. Elle considéra aussi que les conseils juifs - les Judenräte- avaient eu une responsabilité dans le génocide en anesthésiant toute résistance. Elle sous-estima enfin la personnalité d'Eichmann, criminel de bureau, spécialiste des trains, mais aussi véritable assassin et dissimulateur, un bien étrange rond-de-cuir qui pouvait discuter de Kant le cas échéant. Le grand historien Gershom Scholem reprocha enfin à Hannah Arendt une ironie "mal placée" et pour tout dire déplacée à l'égard des victimes.

Le lecteur appréciera la richesse de ce travail, notamment sur le contexte politique et social israélien dans lequel intervient ce procès après celui de Kastner. Tout est précisé dans des notes abondantes et nourries. Ce sont vraiment des compléments d'informations indispensables et non de simples renvois bibliographiques.

Le 14 août 1961, lorsque le tribunal clôt les débats, l'opinion publique n'a plus les yeux tournés vers Israël, mais vers Berlin où l'on a érigé un mur destiné à séparer deux mondes.

Même si, aujourd'hui, Claude Klein montre qu'on ne parvient plus à prendre l'exacte mesure de ce que fut alors ce moment Eichmann, il montre combien ce dernier fut fondateur dans la construction de l'identité d'Israël et dans l'élaboration du droit pénal international.

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