Condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, vendredi 16 février, à Istanbul, le journaliste et romancier turc Ahmet Altan peut compter sur la mobilisation de monde du livre, en France comme à l'étranger.
Dès l'annonce de la nouvelle, l'écrivaine Asli Erdogan, qui subit elle-même les foudres du gouvernement de Recep Tayyip Erdogan, a réagi par le biais d'un communiqué diffusé par son éditeur français, Actes Sud, qui publie aussi Ahmet Altan.
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Après le coup d’état manqué de juillet 2016, nous sommes les deux premiers écrivains à avoir été arrêtés sur des chefs d’accusation kafkaïens. La prison à vie a été requise contre nous et nous avons cru d'abord que c’était une blague. Nous avons cru qu’ils nous libéreraient après avoir eu la satisfaction de nous avoir maltraités. Ils m’ont relâchée, mais lui, ils l’ont condamné à perpétuité. Sans preuve, sans faits avérés, c’est purement atroce ! J’appelle tous les écrivains, les éditeurs, les journalistes à être solidaires d’Ahmet Altan et de tous les écrivains, journalistes, jetés en prison ou persécutés", écrit la romancière qui attend toujours l'issue de son procès qui devrait reprendre le 10 mars.
Pétition pour la libération de l'écrivain
Son appel semble avoir été largement entendu. En collaboration avec l'association "Les nouveaux dissidents", Actes Sud a mis en ligne mardi 20 février, sur le site
Change.org, une pétition "
pour demander la libération de l'écrivain". Elle a déjà recueilli, pour l'heure, environ 6 100 signatures dont celle du président du Centre national du livre (CNL), Vincent Monadé.
Dans la pétition, les organisateurs rappellent combien la situation d'Ahmet Altan, incarcéré depuis septembre 2016, est tristement ironique: alors que le journaliste ne fait que "dénoncer, depuis plusieurs décennies, toutes les atteintes du pouvoir à la démocratie", il est aujourd'hui accusé d'avoir participé au putsch manqué du 15 juillet 2016 contre le gouvernement turc.
Le Pen Club français a aussi exprimé son soutien à l'écrivain dans un communiqué publié ce jeudi 22 février et appelle à signer la pétition. L'organisation salue l'"esprit critique et engagé" d'Ahmet Altan, connu pour ses engagements en faveur de la démocratie et rappelle qu'en Turquie, "quelque 150 écrivains et journalistes sont derrière les barreaux et plus de 170 organes de presse ont été fermés par décret présidentiel dans le cadre de l'état d'urgence instauré par la tentative de coup d'état".
"Jour noir"
Sur Twitter, la ministre de la Culture Françoise Nyssen a, elle aussi, loué l'esprit critique du romancier et journaliste, tout en faisant part de sa "stupeur face à sa condamnation".
La condamnation à perpétuité d'Ahmet Altan a également provoqué l'indignation du Syndicat national de l'édition. Le SNE dénonce "
fermement" ces atteintes à la liberté d'expression et de publier.
Le soutien à Ahmet Altan dépasse les frontières du monde du livre.
Reporters sans frontières (RSF) parle d'un "
jour noir pour la liberté de la presse" et le compte Twitter du prix Albert-Londres, qui récompense chaque année les meilleurs journalistes francophones, déplore un "
triste jour de deuil pour la démocratie turque".