Sept ans après un premier roman particulièrement remarqué, la revoilà enfin ! Avec le magnifique Wisconsin (Buchet-Chastel 2007, repris en 10/18), Mary Relindes Ellis avait durablement impressionné les amateurs de littérature américaine. Son successeur, Bohemian Flats, qui paraît cette fois chez Belfond, est d’une tonalité différente.
Dans un hôpital à Londres où il est soigné, un homme rêve en 1919 qu’il entre dans les eaux du fleuve Mississippi et se laisse dériver. Puis le lecteur bascule ensuite à la fin du XIXe siècle. Là, on fait connaissance avec le jeune Raimund, cadet des fils Kaufmann, et ses frères Albert et Otto, qui grandissent à Augsbourg.
Tous trois ont pour père Heinrich, un fermier prospère qui est également propriétaire d’une brasserie. Pour lui, les deux seuls livres acceptables sont la Bible dont il possède un exemplaire relié cuir et La Nation armée du baron von der Goltz. La mère des enfants, Annaliese, elle, aurait souhaité devenir religieuse mais s’est résignée à son sort et à accepter un mariage de raison.
A 10 ans, Raimund est soucieux du développement de son « Schwanz », ainsi qu’il nomme son pénis. Deux ans plus tard, le patron de la quincaillerie et de la forge lui offre des cartes postales représentant d’accortes femmes nues, tandis qu’il vend à Albert - qui veut se marier avec Magdalena, la fille aînée des Richter - des romans d’aventures qui se déroulent au Far West. A 16 ans, enfin, Raimund décide de quitter l’Allemagne et sa famille. Il voyage sur l’entrepont pendant quatorze jours jusqu’à destination d’Ellis Island.
Une traversée fort agréable puisque Maria Engel, chanteuse et comédienne, va lui apprendre qu’il n’est pas forcément nécessaire d’être amoureux pour faire l’amour. Avant que le jeune homme ne se rende à Minneapolis, y pose ses bagages sur les Flats où s’installent les nouveaux immigrants de différentes origines… Conteuse toujours aussi alerte, Mary Relindes Ellis emporte l’adhésion avec son souffle romanesque, sa manière de parler de l’exil et de la liberté.
Al. F.