« Vous avez le pouvoir de subvertir les murs des textes et des images. Vous avez le pouvoir de faire parler les livres à tous et pour tous. » C’est sur les mots de Jacques Semelin, auteur, historien et directeur de recherche émérite au CNRS que s’est ouverte la 24e édition des Assises du livre numérique ce mardi 28 novembre. Une édition axée sur la question de l’accessibilité et qui a permis de comprendre les enjeux de la prochaine directive européenne qui entrera en vigueur le 28 juin 2025.
Le but de la directive sur l'accessibilité numérique est, entre autres, de faciliter la circulation des biens accessibles et d’étoffer l’offre de livres adaptés aux personnes en situation de handicap. Elle s’appliquera dans un premier temps aux nouveaux livres qui devront, dès leur publication, répondre aux exigences numériques liées à l’accessibilité. Puis, à partir du 28 juin 2030, elle s'appliquera à l’ensemble des livres déjà diffusés. « Au-delà de la directive, nous voulons inclure les livres dans un écosystème d’accessibilité, de leur fabrication à leur vente en librairie en passant par les plateformes tierces d’achat en ligne », explique Fernando Pinto Da Silva, expert en usages numériques à la Fédération des aveugles et amblyopes de France.
Quel format ? Quelles conditions ?
Concrètement, le format ePub devrait devenir la norme de référence pour l’accessibilité des livres numériques. « Tout devra se faire en ePub 3, précise Laurent Le Meur, directeur technique chez EDRLab. Ce fichier devra être de bonne qualité, avec une table des matières, des moyens pour naviguer dedans ou encore des numéros de pages indiqués. Il faut que cet ePub soit multi-usage pour pouvoir être transformé par la suite en braille ou en livre audio. » « Mais le format, ce n’est pas tout, prévient-il. L’impératif d’accessibilité devra intervenir dans toute la chaîne de distribution. » Ainsi, les plateformes de commerce électronique devront aussi être accessibles pour les nouveaux services à partir de 2025 et pour l’existant à partir de 2030.
Les éditeurs seront accompagnés dans cette évolution par l’Arcom. « Nous sommes en train de réaliser une évaluation plus affinée des textes qui permettra la mise en place d’objectifs et d’interprétations plus claires comme la définition des exceptions à la directive », a précisé Laurence Pécaut-Rivolier, membre du collège de l’Arcom et présidente du groupe de travail Protection des publics et diversité de la société française de l’Arcom. Un suivi et une compréhension essentiels des textes puisqu’à terme, une infraction pénale pourra être engagée contre les éditeurs ne respectant pas la directive.
La question des images
Parmi les défis à venir demeure la gestion des images et la façon dont ces dernières pourraient devenir accessibles. Car, si le marché du livre numérique est quasiment opérationnel sur l’accessibilité des ouvrages de textes, il laisse encore derrière lui des grands pans de catalogues, notamment les bandes dessinées et les beaux livres. « Les BD sont des ouvrages qui s'adressent aux publics les plus jeunes, ce n’est donc pas possible de les exclure car ce serait louper la cible », insiste Laurence Pécaut-Rivolier. Pour Laurent Le Meur, le sujet est tellement ample qu’il sera nécessaire de passer par une intelligence artificielle : « La solution pragmatique passera forcément par une IA. Il faudra le faire avec beaucoup de sécurité. On sonde dès maintenant diverses entités pour voir si on peut le faire au niveau français. C’est un sujet à 150 millions d’euros, c’est du lourd ! » Face à cette question épineuse, les Assises du livre numérique ont également proposé un atelier dans lequel plusieurs experts détaillent leurs conseils pour rendre les images d’un livre accessible.
Retrouvez l'intégralité des Assises du livre du numérique sur la page YouTube du SNE