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Le point sur le droit à l'image (2/2)

Le point sur le droit à l'image (2/2)

Le principe du droit à l’image est l’objet de rares exceptions et comme toutes les exceptions à un principe juridique, elles doivent être interprétées restrictivement.

[Suite de l'article Le point sur le droit à l'image]
 
La constance des décisions sur le droit à l’image nécessite de rappeler les contours d’un régime juridique fondé sur la seule jurisprudence.

Le principe du droit à l’image est l’objet de rares exceptions. Il ne faut cependant pas oublier que, comme toutes les exceptions à un principe juridique, elles doivent être interprétées restrictivement. La jurisprudence constante le prouve.

L’utilisation d’une image prise dans un lieu privé est rigoureusement impossible. Les tribunaux y voient là un terrain inviolable, dont la méconnaissance entraîne une sanction certaine. Le Code pénal contient d’ailleurs deux sévères dispositions (articles 226-1 et 226-2) propres à la prise d’images dans un lieu privé et à leur diffusion. Rappelons que celles-ci sanctionnent, outre la reproduction de l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé sans le consentement de celle-ci, la reproduction de paroles prononcées dans un lieu privé par une personne sans son consentement, ainsi que le montage de paroles ou images d’une personne toujours sans son consentement, s’il n’apparaît pas à l’évidence qu’il s’agit d’un montage ou s’il n’en est pas expressément fait mention.

Le cas Doisneau

Les juridictions se montrent plus clémentes avec les preneurs et les utilisateurs d’images dès lors que les personnes y figurant ne sont pas reconnaissables. C’est ainsi que la photographie d’une foule, au sein de laquelle toute réelle identification est difficile, peut être librement reproduite. Cette exception paraît cependant difficile à soutenir quand il s’agit d’un petit groupe de personnes ou d’une partie seulement d’un grand ensemble de personnes, si les visages peuvent y être reconnaissables. Elle a cependant été retenue à l’encontre de ceux qui déclaraient avoir été modèles de Robert Doisneau pour sa célèbre photographie, Le Baiser de l’Hôtel de Ville.

Une photographie de personnes reconnaissables peut être librement publiée si elle a trait à l’actualité. Les commentateurs juridiques estiment cependant que le délai pendant lequel cette tolérance peut prendre place est très court, puisqu’il est lié à la notion d’actualité. Seule une publication de presse, et sauf à éditer en des délais extrêmement réduits, semble pouvoir aujourd’hui bénéficier en pratique de la notion d’actualité. Il existe même une sorte de véritable droit à l’oubli au profit de ceux qui ont connu, parfois dans des circonstances tragiques, les feux de l’actualité. Un tribunal a, par exemple estimé qu’un condamné pénal ne devait pas supporter des années plus tard, par une nouvelle publication de son image, le poids d’une faute déjà payée.

La liberté d'expression pas si libre

Les juges sanctionnent plus aisément la reproduction et la diffusion lorsque l’image a causé un préjudice autre que la seule atteinte au droit à l’image. C’est le cas, par exemple, lorsque l’image est accompagnée d’une légende inappropriée ou qu’elle fait l’objet d’un montage ou de tout autre détournement. De même, le droit à l’image s’exerce pleinement dès lors que la personne représentée est le sujet principal de l’image ou qu’elle est distinguée par une marque qui la désigne particulièrement (flèche, effet de loupe, etc.).
Les éditeurs de livres ne sont pas à l’abri d’une jurisprudence de plus en plus réticente à admettre la liberté d’expression. La protection des droits dits « de la personnalité » permet de sanctionner désormais les montages caricaturaux et autres photomontages insolites qui ont fait le succès de certains albums.

La caricature « de presse » n’a jamais bénéficié que d’une tolérance de la part des juridictions. Il existe bien dans le Code de la propriété intellectuelle une exception de « parodie, pastiche et caricature », mais elle ne concerne que la déformation ou l’imitation d’une œuvre protégée par le droit d’auteur; et elle ne s’applique en rien aux dessins féroces ou aux montages hâtifs et trompeurs brocardant des individus plus ou moins célèbres. L’exploitation à outrance est en la matière un motif particulier de sanction pour les juges. 

Le cas le plus épineux reste celui des lieux apparemment publics. Quelques exemples sont particulièrement éloquents.

Les photographies prises dans des lieux, publics ou privés, sont soumises aux règles fixées unilatéralement par le propriétaire desdits lieux. Il s’agit là de ce que les praticiens appellent le « droit d’accès ». Ce droit est en réalité une des multiples applications du droit à l’image accordé aux propriétaires de biens. Le droit d’accès permet d’interdire non seulement l’exploitation des images, mais également le simple acte de photographier… Chaque lieu (musée, gare, parc, etc.) peut donc fixer ses propres règles et prohiber totalement la prise de photographies ou la soumettre à une demande écrite, le paiement de droits, etc.

Il convient donc de se renseigner préalablement, au risque de se voir interdire de poser un trépied ou d’utiliser un flash, sans même évoquer les risques juridiques liés à l’utilisation du cliché. Les musées ont depuis longtemps développé ce type de réglementation. Et d’autres lieux en apparence publics (gares, parcs, etc.) ont mis en place des dispositions tout aussi draconiennes.

Le droit à l’image est traditionnellement rattaché à la famille des droits de la personnalité, c’est-à-dire que son titulaire ne peut en théorie en disposer. 

On a pourtant craint d’assister, il y a quelques années, à une patrimonialisation du droit à l’image, certaines décisions de justice ayant accepté, par exemple, la transmission du droit d’une personne sur sa propre image à ses héritiers alors que, jusqu’ici, la possibilité d’action des héritiers n’était admise que si l’utilisation de l’image était très ostentatoire.

Le 31 janvier 2018, la Cour de cassation a rappelé que le droit à l’image cesse au décès de son titulaire. Dans un conflit très vaste opposant la veuve d’Henri Salvador à un producteur de disques, elle maintient que « le droit à l'image est un attribut de la personnalité qui s'éteint au décès de la personne concernée, seule titulaire de ce droit, et qui n'est pas transmissible à ses héritiers. »

Tout éditeur dispose, bien entendu, d’un recours en garantie contre l’agence ou le photographe qui lui a cédé les droits sur des clichés qui se révèleraient litigieux. 

Mais cette garantie peut se révéler faible, notamment en cas de faillite de ladite agence ou d’insolvabilité du photographe. L’éditeur devra alors indemniser les « victimes » et ne pourra présenter la facture à son partenaire défaillant.

Restrictif

C’est la raison pour laquelle il est indispensable ou de s’enquérir soi-même des autorisations, quand cela est possible, ou de vérifier la validité des autorisations que le photographe est supposé avoir fait signer. Une autorisation doit a priori s’entendre de façon restrictive. Cela signifie que l’éditeur doit se limiter aux seuls modes d’exploitation expressément désignés par l’intéressé; il ne peut exciper d’un consentement tacite du sujet à une utilisation non expressément prévue.

La sanction ordinaire des violations du droit à l’image consiste en une condamnation à des dommages-intérêts, parfois assortie de la publication du jugement et, par exemple, d’une obligation de ne pas reproduire à nouveau l’image sous peine d’astreinte.

Ces sanctions seront bien évidemment alourdies si l’atteinte au droit à l’image se double d’une autre faute : atteinte à la vie privée, illustration d’une pathologie, etc.
Mieux vaut donc ne pas baisser la garde et rester intransigeant sur toute image non valablement autorisée.
 

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