L’œuvre lancinante de Dominique Barbéris évoque parfois celles de Patrick Modiano et de Georges Simenon. Même sens du mystère et des énigmes, même goût pour les lieux et les personnages interlopes. L’auteure de Quelque chose à cacher (Gallimard, 2007, repris en Folio) se montre une nouvelle fois à son meilleur niveau avec La vie en marge.
Un homme avec pour seul bagage une mallette de représentant prend une chambre dans un vieil hôtel, traditionnel mais confortable, sur un col de montagne qui domine une vallée. Richard Embert est quelqu’un dont la vie n’est « qu’une suite de mensonges ». Ancien représentant pour des produits du secteur automobile, il a été licencié pour faute grave. Grand, rasé de près, les yeux gris vert, il dégage un charme décontracté et sportif et semble avoir un plan bien précis à respecter.
Nous sommes à la fin du mois de décembre, peu avant un changement de millénaire, en présence de neige et d’un froid humide. Le décor est une zone frontalière avec la Suisse, non loin d’une « ville secondaire et discrète, industrieuse et banale », avec un multiplexe et une galerie marchande. La narratrice de La vie en marge, mademoiselle Verny, une infirmière libérale, habite dans une résidence située « dans un des gros bourgs limitrophes, accessibles par la départementale, qui en constituent la périphérie ».
Le lecteur suit Richard Embert lorsqu’il se rend à Bièves et s’y fait passer pour un spécialiste d’EDF. Il accompagne aussi mademoiselle Verny lors de visites. Notamment chez les Schnaben, un collectionneur suisse qui a fait fortune dans les pâtes dentifrices, et sa dernière épouse, une Espagnole nettement plus jeune que lui. Et qu’est-il arrivé à Michelle Cormier, petite femme blonde, plus toute jeune, un peu boulotte, divorcée et employée de bijouterie ?
Dominique Barbéris installe dès le départ un climat envoûtant. Et parvient à jouer avec le flottement, l’engourdissement et la tension, devant un puzzle dont elle assemble les pièces avec une maîtrise confondante.
Alexandre Fillon