Qu’est-ce qui, tout à coup, fait basculer une destinée humaine dans l’horreur ? Voilà l’interrogation qui hante l’Allemande Mechtild Borrmann, dont Le violoniste est le deuxième livre traduit en France. Un roman où elle démonte la mécanique d’un Etat totalitaire, l’URSS, vers la fin du règne de Staline, avec des conséquences sur plusieurs générations.
En mai 1948, le soir où il vient de remporter un triomphe au Conservatoire Tchaïkovski à Moscou, le violoniste virtuose Ilia Vasilievitch Grenko est arrêté dans sa loge et conduit à la sinistre Lioubanka. Avec lui, il emporte pour tout bagage son violon, un stradivarius offert à son arrière-grand-père en 1862 par le tsar Alexandre II. De quoi l’accuse-t-on ? D’avoir voulu profiter de ses tournées pour fuir son pays. Ne venait-il pas de déposer une demande de séjour à Vienne, en compagnie de sa femme Galina, une actrice, et de leurs deux fils, Pavel et Ossip ? Le piège de la sécurité d’Etat se referme sur lui. Après quelques jours de torture, il signe des aveux absurdes, et est condamné à vingt ans de goulag. Galina, de son côté, est également arrêtée et déportée à Alma Ata, au Kazakhstan, avec ses fils. Dix ans de camp de travail et de désespoir : on l’a persuadée que son mari les avait abandonnés pour fuir à l’étranger. Officiellement, on ne trouvera aucune trace de son arrestation. Quant au stradivarius, qu’est-il devenu ?
Ce n’est que soixante ans plus tard que Sacha, le petit-fils d’Ilia et le dernier des Grenko, qui vit en Allemagne, va voir ressurgir le passé de sa famille de façon dramatique. Il trouve sa sœur Viktoria assassinée. Avant sa mort, elle a eu le temps de lui léguer un document qui prouve que son grand-père ne s’était pas enfui mais est mort en déportation. Sa grand-mère avait fini par le savoir et, après sa libération, par gagner l’Allemagne. Au fil de son enquête, périlleuse, en Russie, Sacha apprend aussi que la mort de son oncle Pavel et celles de ses parents n’étaient pas accidentelles. Et c’est avec l’aide d’un mystérieux justicier, Domorov, qu’il va retrouver le stradivarius. Il trouvera aussi qui avait ourdi toute la machination, et dénoncé Grenko…
Très bien construit, c’est brillant, impitoyable et ça fait froid dans le dos.
J.-C. P.