Poésie/Canada 15 octobre Leonard Cohen

Comme Bob Dylan, le seul géant qui puisse lui être comparé, Leonard Cohen (1934-2016) avait tous les talents : songwriter, dessinateur, mais aussi écrivain. « Avant tout poète », précise son fils Adam, dans son avant-propos sympathique et émouvant à The flame. D'ailleurs, lorsqu'il reçut, à Madrid, le 21 octobre 2011, le prestigieux prix Prince-des-Asturies, dans son discours de remerciement, modeste et drôle, il avait tenu à célébrer la poésie, qui « vient d'un endroit que personne ne maîtrise et que personne ne conquiert », sa « confraternité » avec Federico García Lorca, et l'Espagne elle-même, à travers le souvenir de son jeune professeur de guitare flamenco, à Montréal, qui s'est suicidé sans explications, après quelques leçons à peine.

Leonard Cohen avait commencé sa carrière, dès les années 50-60, en publiant des recueils de poèmes, puis un roman, The favorite game. Il l'achève aujourd'hui, avec le même médium, le livre. Ce livre, auquel il a travaillé, avec quelques proches, jusqu'au bout de ses forces, ce livre « qui le motivait à rester vivant », raconte Adam, lequel lui a trouvé son titre, The flame, et qu'il ne verra pas achevé. A moins que ce juif devenu bouddhiste ne soit déjà au paradis.

The flame est composé de trois sections : 63 poèmes choisis par l'artiste dans sa vaste production, qu'il considérait comme achevés ; d'autres poèmes devenus les paroles des chansons de ses quatre derniers albums, de Blue alert d'Anjani Thomas (2006), jusqu'à You want it darker (2016) ; des extraits de ses innombrables carnets, suivant leur numérotation, incompréhensible et non chronologique. On y a adjoint une centaine de ses dessins, dont de nombreux autoportraits, et quelques textes isolés, comme le dernier mail qu'il a envoyé à son ami le poète Peter Dale Scott, la veille de sa mort : « Bénis soient les pacificateurs, car ils seront appelés fils de Dieu. » Amen. La religion, en particulier le judaïsme, a toujours constitué une source d'inspiration première pour Leonard Cohen, dont certains textes sont assez ésotériques. Le traducteur, Nicolas
Richard, a fait un superbe travail, et le recueil est bien entendu bilingue.

C'est Cohen qui aurait dû avoir le prix Nobel de Littérature, du temps où il existait encore. Il l'aurait accepté et reçu avec plus d'humilité que Dylan.

Leonard Cohen
The flame : poèmes, notes et dessins - Traduit de l’anglais (Canada) par Nicolas Richard
Seuil
Tirage: 6 000 ex.
Prix: 25 euros ; 360 p.
ISBN: 9782021400618

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