C’est un village de 650 âmes coincé entre le Périgord noir et le Quercy blanc. Jusqu’à peu, il s’est trouvé à Cazals (Lot) trois boucheries, autant de boulangeries et persistent encore aujourd’hui deux fleuristes. Mais jamais il n’y a eu de librairie… Jusqu’à ce jeudi 22 juin 2023.
Culture et soins psychologiques
Après un an d’études de faisabilité et de préparation, Marie Cossart a ouvert Le Vent d’Autan sur la place Hugues Salel, du nom du poète contemporain de Rabelais qui a vu le jour en 1502 dans cette bastide du pays Bourian. Sur deux niveaux et 75m2 dont elle a acquis les murs, la libraire revendique déjà 5500 références, de la BD aux beaux livres en passant évidemment par la littérature générale et les sciences-humaines, qui l’animent particulièrement.
Après un double cursus lettres et psychologie, cette quadragénaire d’origine parisienne a débuté comme psychologue avant de basculer en 2015 en librairie, d’abord employée à la librairie de l’Atelier (Paris 20e) avant de collaborer avec celle des Arpenteurs (Paris 10e) et Page 189 (Paris 11e). Souhaitant créer « un lieu de culture et de soins », elle s’associe pour fonder en 2018 la librairie Les Parages (Paris 11e) avant d’avoir envie d’ailleurs dès la fin 2019.
Sur les terres de Zadkine, Bissière ou Massou…
Tombée amoureuse du Lot aux détours de vacances, elle s’y installe au printemps 2020 avec son mari , ingénieur agronome déjà reconverti à la plomberie-électricité, et leurs deux enfants de deux et huit ans. Après 18 mois d’installation et découverte de la région, Marie Cossard est piquée par le dynamisme du territoire et son côté militant culturel.
A trois kilomètres de Lherm où elle vit, se trouve en effet la résidence d’artistes des Ateliers des Arques, liée au musée Zadkine du village. Soixante-dix ans auparavant, le sculpteur d’origine russe avait lui aussi jeté son dévolu dans cette région où se trouvait déjà le peintre Roger Bissière et où s’est installé « le sculpteur brut », Jean-Marie Massou, décédé en 2020.
« Il ne manquait que le livre »
Surtout, se tient non loin de là le festival Gindou Cinéma, qui a acquis en une quarantaine d’années d’existence une notoriété internationale et dont la librairie éphémère était jusqu’à lors géré par l’équipe de la Tartinerie, la librairie de Saran, dans le Gers. Pas la porte à côté.
Marie Cossard goute à l’agitation culturelle qui se développe entre Prayssac, à 16km au Sud et Gourdon, à 20km au Nord, où se trouvent deux des sept librairies indépendantes du département. « Il ne manquait que le livre » se réjouit-elle. « L’étude de marché a démontré que la zone de chalandise est énorme avec un réseau de médiathèques consolidé et des changements sociologiques liés au développement du télétravail, explique Marie Cossard. Les lecteurs qui vont en médiathèque achètent des livres, assure-t-elle. Mon objectif est d’atteindre l’équilibre en trois ans avec des commandes publiques, des librairies hors les murs et en s’intégrant à des évènements qui existent déjà », s’enthousiasme-t-elle. Et en créer de nouveaux. « Je projette de développer une émission littéraire avec la radio locale Antenne d’Oc et bien sûr organiser des rencontres ».
Son enthousiasme s’est accru devant l’accueil des autorités publiques locales et des autres commerçants. « Quand la gérante de la maison de la presse de Cazals, qui propose une cinquantaine d’ouvrages qu’elle ne choisit pas, m’a donné son feu vert pour mon projet de librairie de l’autre côté de la place, je n’ai plus hésité une seconde ».
Pour la suite, son expérience de libraire parisienne et ses contacts auprès des distributeurs lui permettent d’être optimiste. « Je ne suis pas partie de rien. Je savais négocier des remises et CDE comme Harmonia Mundi sont très attentifs à mon équilibre et Geodis a très vite réglé une problématique de livraisons que j’ai eu au départ », savoure la gérante. Si l’aventure se poursuit sur les mêmes bases que le démarrage, c’est de bon augure : « 120 personnes sont venues à l’inauguration », se réjouit-elle. De quoi être porté par le vent d’autan…