Il a fallu attendre que Howard Jacobson reçoive le Man Booker Prize en 2010 grâce à La question Finkler (Calmann-Lévy 2011, repris au Livre de poche) pour que son œuvre débarque enfin en France. Après Kalooki nights en 2012, Calmann-Lévy propose cette fois le plus récent opus de l’Anglais né à Manchester en 1942.
La grande ménagerie est un grand cru. On peut y suivre les tribulations d’un écrivain du nom de Guy Ableman. Agé d’une quarantaine d’années, monsieur est un rêveur qui fait « dans les mots » et lit des livres. Voici un homme qui, de par son métier, se conjugue « à la première personne ».
Lorsqu’on fait sa connaissance, les membres d’un club de lectrices viennent de lui demander pourquoi il déteste les femmes et les enfants ! Pire, la police l’a arrêté après qu’il eut volé dans une librairie un exemplaire de son premier livre - aux agents qui le questionnaient sur son geste, il a préféré dire qu’il le « libérait » !
Le roman en question, « d’une élégante grivoiserie » selon son auteur, a pour titre Le vieux singe. Guy Ableman y parle « de l’angoisse effrénée et de la faillite morale dans le monde des hommes » en donnant la parole à une jeune gardienne de zoo idéaliste. Son coup d’essai est dédié à son épouse Vanessa et à la mère de cette dernière, Polly Eisenhower, rousse à forte poitrine « aussi pleine de vie qu’une pommeraie dans une tornade », avec laquelle il envisage depuis longtemps d’avoir une liaison !
Expliquons encore que l’éditeur d’Ableman s’est suicidé après avoir déjeuné avec lui. Un repas où il lui a parlé des tweets et affirmé : « Les romans, c’est du passé, pas parce que personne ne sait en écrire, mais parce que plus personne n’est capable de les lire. » Pour l’heure, l’écrivain est en panne d’inspiration. Il cherche un sujet sur lequel écrire, sujet que quelqu’un qui ne serait pas lui eût envie de lire ! D’un humour corrosif, La grande ménagerie est une comédie trépidante doublée d’une interrogation sur le « siècle d’agonie du verbe », la création et l’amour. Que demander de plus ?
Al. F.
