L’égalité professionnelle entre hommes et femmes est un chantier à évolution lente, y compris dans les secteurs très féminisés. Le dernier rapport social de branche de l’édition montre même une dégradation de la situation en 2012 sur certains postes. Dans la qualification la plus courante, celle d’éditeur, le salaire médian des 357 femmes recensées dans l’étude atteint 36 327 euros, soit 6,4 % de moins que celui des 75 hommes (voir tableau), contre - 3,7 % l’an dernier. Plus jeunes, leur différentiel d’âge (- 9,1 %) pourrait justifier un écart plus grand, mais elles ont en revanche une ancienneté professionnelle supérieure (+ 12,5 %), qui est peut-être aussi le signe d’une moindre promotion : elles resteraient plus longtemps au même poste.
Lenteur du renouvellement.
Les directeurs éditoriaux (26 % d’hommes) sont ainsi proportionnellement plus nombreux que les éditeurs (17 %), signe que les femmes accèdent moins facilement à cette fonction. L’écart de salaire médian constaté est encore supérieur à celui de l’échelon édition : - 10,4 %, à 63 700 euros. Il n’y a cette fois plus aucune justification d’expérience (14 ans de part et d’autre) et encore moins d’âge, les directeurs éditoriaux étant légèrement plus jeunes que les directrices (47 ans, contre 48). Le différentiel se serait même légèrement creusé par rapport à 2011, si on croise l’écart brut et celui de l’âge. Une explication possible : les hommes tiennent encore solidement les directions éditoriales des grandes maisons parisiennes, plus généreuses. Cette hypothèse, que ne mesurent pas les critères d’âge et d’ancienneté retenus dans l’enquête, peut valider aussi d’autres inégalités apparentes dans des postes à responsabilité. « La mise en œuvre de l’égalité professionnelle est du ressort de chaque entreprise, pas de la branche », rappelle Alain Bergdoll, président de la commission sociale du SNE (et DRH chez Hatier). La situation est plus égalitaire dans la fonction de responsable d’édition ou d’assistant, contribuant à rétablir un relatif équilibre dans l’ensemble des effectifs de la filière édition (1 354 salariés).
Dans la filière commerciale, la plus importante (606 salariés dans l’enquête) après celle du cœur du métier, le différentiel brut est de - 15,7 % sur le salaire médian des femmes (33 789 euros, contre 39 105 euros). Ce chiffre global recouvre une situation très contrastée : chez les représentants, le renouvellement des générations, et la féminisation qui l’accompagne, n’est pas achevé. C’est le seul métier où les hommes restent majoritaires (59 % des effectifs). Ils sont aussi plus âgés (51 ans contre 42) et ont tout juste le double d’expérience professionnelle (18 ans). Sur ces critères, leur salaire médian pourrait même être supérieur à ce qui est constaté (+ 9,5 %). Le profil général est proche chez les délégués pédagogiques. En revanche, du côté des responsables commerciaux, la bascule générationnelle est faite. Dans une fonction plus sédentaire que celle de représentant, les femmes occupent 66 % des postes recensés par l’enquête ; elles ont le même âge moyen (42 ans), et même un peu plus d’ancienneté (11 ans, contre 10), mais un salaire médian inférieur de 8 %, à 42 559 euros. Là aussi, des postes à dénomination identique mais dans des entreprises de taille différente pourraient expliquer l’écart.
Majorité féminine dans la communication.
La fabrication est une filière qui fut également très masculine, où les hommes sont aujourd’hui plus rares y compris aux postes de chefs (27,2 % de l’effectif). Ils y sont plus âgés (52 ans contre 45), avec plus d’ancienneté (16 ans contre 13), et sont bien mieux payés (54 256 euros de salaire médian, + 23,8 %). Chez les techniciens de fabrication, les femmes sont devenues très majoritaires (84 %), elles sont un peu plus âgées, avec un peu plus d’expérience, et sont logiquement mieux payées (+ 9,3 %).
Elles occupent presque sans partage (87 %) la filière communication-promotion, celle des attachées de presse : les femmes y sont plus âgées que les rares hommes, ont plus d’expérience et sont mieux payées (36 970 euros de salaire médian, + 11,1 %). Elles sont moins bien traitées dans le contrôle de gestion : à âge identique et expérience supérieure, leur salaire médian est inférieur de 12,9 % à celui de leurs homologues masculins. Et alors que les femmes représentent 75 % des effectifs des entreprises de plus de 10 salariés, elles sont environ 6 sur 10 à se situer dans le tableau des plus hautes rémunérations de ces sociétés.
Des salaires en-dessous des minima.
Toutes ces différences se retrouvent dans les tableaux des salaires des 27 échelons de la grille de la convention collective, détaillés aussi entre hommes et femmes. L’enquête de cette année fait apparaître une situation étonnante : quelques dizaines de salariés reçoivent une rémunération (salaire de base + variable) inférieure aux minima de la convention collective. «Nous avons attiré l’attention des entreprises sur cette question », indique Alain Bergdoll. Il s’agit pour l’essentiel des premières catégories d’employés, mais il se trouve aussi quelques techniciens et cadres, au moins pour le salaire repéré comme étant le plus bas. A périmètre comparable (entreprises participantes en 2011 et 2012), les salaires progressent dans une fourchette moyenne de 1,5 à 3 % suivant les échelons.
Les 79 entreprises répondantes cette année ont réduit leurs effectifs en CDI (461 embauches contre 616 départs, dont 196 démissions, 101 licenciements pour motif personnel, et 83 ruptures conventionnelles), mais ont embauché près de 500 CDD. Dans le seul périmètre comparable 2011-2012, les effectifs en CDI ont reculé de 3 %. Les entreprises ont aussi fortement réduit le nombre de travailleurs à domicile en 2012 : - 17 %, soit 41 équivalents temps plein. Mais elles ont mieux formé leur personnel : le nombre d’heures progresse de 21,7 %. Ce rapport sert de base aux négociations salariales de branche, qui ont repris à la rentrée. <