Comment peut-on être amoureux de la laïcité ? A priori, c’est un concept froid et austère. Henri Pena-Ruiz se propose de nous démontrer le contraire dans ce dictionnaire illustré par Alain Bouldouyre. Le petit-fils d’immigrés espagnols se souvient du sourire de Marianne, cette représentation de la République à laquelle il reste très attaché. Alors oui, la laïcité prend pour lui le visage accueillant de cette femme et il va tenter de dire pourquoi, par ordre alphabétique et désordre affectif.
Pour le philosophe, maître de conférences à l’Institut d’études politiques de Paris, auteur de plusieurs ouvrages sur Marx et l’histoire de la pensée, la laïcité se respire à pleins poumons, elle "libère la conscience humaine de toute tutelle". Derrière ce lyrisme, on trouve ses coups de cœur et ses coups de griffe, comme les petites touches d’un autoportrait. Henri Pena-Ruiz ne s’en cache pas.
L’article "Espagne" rappelle son attachement à la République espagnole et à son drapeau pour lesquels ont combattu ses aïeux. Nous suivons ses enthousiasmes pour Aragon, Voltaire, Diderot, Rousseau, Hugo ou Camus dont il propose des citations choisies. Nous partageons son dépit à l’évocation des victimes de l’intolérance : Giordano Bruno ou Etienne Dolet brûlés vifs, Jean Calas expirant devant le crucifix, le chevalier de La Barre torturé avant d’être livré aux flammes.
Henri Pena-Ruiz n’en veut pas aux religions, mais à leurs clercs. Voilà pourquoi il est un partisan de la généralisation de la séparation des Eglises et des Etats, à l’exemple de la loi de 1905. "Nulle personne ne se réduit à sa religion." La critique des cultes n’est donc pas plus pour lui un délit que la critique des conceptions philosophiques ou politiques.
"La tolérance, il y a des maisons pour cela", disait Claudel. Il oubliait qu’il y avait aussi des livres et que certains ont payé cher des mots ou des vers libres. Ceux qui considèrent que la laïcité est une porte étroite trouveront dans ce dictionnaire de quoi élargir leur horizon. Henri Pena-Ruiz ouvre des réflexions sur l’euthanasie, l’islam et les questions d’identité. Il nous invite surtout à réfléchir sur le vivre-ensemble qui pourrait bien être l’autre nom de la laïcité. Il semblerait qu’on en ait sérieusement besoin… L. L.