Le réalisateur nous explique pourquoi il a imaginé cet étonnant docu-fiction.
Livres Hebdo : Pourquoi vous-êtes vous inspiré de la disparition de Houellebecq
pour fantasmer une fiction comme celle-ci?
Guillaume Nicloux : J'avais trouvé tellement absurde l'annonce de son enlèvement, de surcroit par Al-Qaïda, que je me suis dit que cela ferait un tremplin idéal pour lancer l'introspection houellebecquienne.
Livres Hebdo : Vous avez intégré les obsessions et les thématiques de l'oeuvre de
l'écrivain : cela ressemble autant à un portrait qu'à une analyse. Comment avez-vous convaincu Houellebecq de participer à cette mise en abyme ?
Guillaume Nicloux : Je m'étonne toujours de son acceptation. Je crois que nous avons confiance l'un en l'autre et c'est ce qui compte le plus pour ce genre de portrait atypique. Il savait évidemment que j'allais empiéter sur un terrain personnel mais le fait d'inscrire le film dans un registre de "comédie" permettait de dédramatiser notre affaire et de donner une tonalité moins sombre en surface à ce documentaire déguisé. Mais il s'agit bien d'un alibi fictionnel pour tenter de capter des moments de vie que le documentaire classique nous aurait sans doute interdit, de par son statut trop encombrant et peu ludique.
Livres Hebdo : Houellebecq a-t-il supervisé le scénario, fait modifier des scènes ou tout simplement est-il intervenu en amont ou en aval du film?
Guillaume Nicloux : Non, Michel n'est pas intervenu dans la rédaction du scénario. Mais nous avons pas mal discuté afin de définir les sujets de conversation qui pourraient être intéressants d'évoquer pendant le tournage, ainsi que certaines actions que Michel pourrait avoir envie de tenter, comme apprendre à siffler ou rouler à 300 km/h...
Livres Hebdo : Pourquoi avoir privilégié une sorte de documentaire avec le vrai
Houellebecq, un véritable fait divers de l'époque, plutôt qu'une fiction classique ?
Guillaume Nicloux : J'avais envie d'aborder le docu-fiction en cultivant un certaine ambiguïté, en évitant l'emphase et en déjouant les pièges du formatage, interview, analyse, etc… Car ce n'est pas l'écrivain qui m'a donné envie de faire ce film, ce n'est pas le personnage Houellebecq, c'est l'humain Michel Thomas.
J'ai voulu révéler un pan de sa personnalité que les gens connaissent peu, et pour cela j'ai choisi de construire une intrigue dans laquelle nous aurions le loisir de nous égarer sans rendre de compte à l'histoire officielle. Et c'est, je crois, grâce à cela, que chacun se permet autant de liberté. Il m'a toujours sembler qu'au cinéma la sincérité existait mieux si elle se partait du mensonge.