Avant-critique Roman

L'autre Woolf. Avant d'épouser Virginia Stephen, de se consacrer à sa carrière et à leur maison d'édition Hogarth Press, Leonard Woolf avait mené une vie intéressante. De 1904 à 1911, il a servi dans l'administration coloniale à Ceylan, en poste notamment dans le sud, non loin de Hambantota. Une région sauvage au cœur d'une jungle envahissante qu'il décrit comme maléfique, où vivaient des populations encore largement authentiques et où la présence britannique n'avait guère pénétré. En 1913, il publiait un roman, A Village in the Jungle, très noir, très cruel, angoissant, tiré de cette expérience. La perspective y est presque ethnographique. Les coutumes locales, les rites, la société, sont longuement décrits, expliqués, le texte est truffé de mots cinghalais ou tamouls.

Et cette histoire d'une lutte à mort entre un chef libidineux corrompu et une famille de parias est pleine d'injustices, de vols, de meurtres, de revenants... Cette curiosité, à rebours de la littérature de voyage « exotique » si chère aux Anglais, n'avait pas été rééditée depuis 1991. C'est chose faite grâce à Jean-Claude Zylberstein et aux Belles Lettres. Qui publient en même temps Les vierges sages, roman autobiographique, inédit en français, où Leonard Woolf raconte sa douloureuse conquête de son épouse, sur fond de satire de la bonne société anglaise juste avant la guerre de 14-18. Éclipsé à juste titre par la gloire de Virginia, Leonard Woolf ne mérite pourtant pas d'être tout à fait oublié.

Leonard Woolf
Le Village dans la jungle Traduit de l’anglais par Bernard Kreise
Les Belles lettres
Tirage: 2 000 ex.
Prix: 15 € ; 232 p.
ISBN: 9782251453972

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