Louise est une mère de 23 ans, sans domicile et sans titre de séjour. À Paris, ballottée pendant plusieurs mois entre hôtels, centre d'hébergement d'urgence et foyer maternel avec sa petite fille Bliss, elle tente de s'en sortir. Sortir d'une relation passionnelle avec un jeune homme immature et fuyant, sortir de la famille de ce dernier qui réduit son sort à celui d'une servante, sortir, enfin, du nomadisme et des jeux d'équilibriste imposés par la précarité. Pour maintenir la distance nécessaire avec une existence aux perspectives parfois brouillées, Louise adopte une posture froide et discrète. La narratrice décrit sa lutte quotidienne comme si elle en était une spectatrice, étrangère à son propre destin, dans un état de quasi-dissociation, nécessaire pour garder le cap. Elle avance comme sur un fil, en outsider, en passagère, évitant les accrocs, le regard fixé sur l'horizon d'un monde prêt à basculer. Louise fait le récit des mois passés auprès d'autres femmes en centre d'hébergement, raconte les amitiés et les conflits, les nuits bruyantes et les crises, les dialogues stériles et le mépris des institutions. Et ce désir d'en finir qui se heurte toujours à la puissance du lien qui l'unit à sa fille : elles se maintiennent en vie. Grande voix de la littérature contemporaine, Léonora Miano a reçu le prix Femina 2013 pour La saison de l'ombre et a construit une œuvre qui compte aujourd'hui une vingtaine d'ouvrages. Tous développent des réflexions autour des liens entre l'Afrique et l'Europe, des identités frontalières mais aussi de la filiation maternelle et de la féminité. En 2020, l'essai Afropea marquait un tournant dans son œuvre. Versant théorique du roman dystopique Rouge impératrice publié un an auparavant, l'essai formulait un concept filé dans ses romans : l'afropéanité. Stardust, son véritable premier roman composé en vue d'une publication, s'inscrit quant à lui comme un point d'orgue dans son parcours d'écrivaine alors naissant.
Rédigé en 1996 alors qu'elle n'avait que 23 ans et qu'écrire était pour elle une nécessité quasi vitale voire la condition de son émancipation, Stardust a longtemps été mis de côté par son autrice. « Il s'agissait de ne pas me laisser définir par ces faits passés », explique--t-elle en avant-propos. Ce texte montre déjà la profondeur, l'exigence et la force du style de Miano, qui vivait à l'époque ce « moment marquant de --[s]a vie » avec une carapace à la mesure de son sentiment d'errance et de son désir d'en sortir. Stardust, c'est aussi une adresse à Mbambe, sa grand-mère restée au Cameroun, un récit qui traduit le paysage urbain et parisien dans lequel Miano vivait alors, et qui adopte la forme du roman social, abandonnée dans les romans suivants. Aujourd'hui, plus de vingt-cinq ans après, l'écrivaine s'adresse aussi à ces « passagères de l'été et de l'automne 1996 » du centre du 19e arrondissement, ainsi qu'à cette Louise qu'elle fut et dont elle délivre enfin la parole : « J'ai pour elle une tendresse immense. Son orgueil est celui des grands blessés. »
Vers la violence
Fayard
Tirage: 6 000 ex.
Prix: 20 € ; 350 p.
ISBN: 9782213722122