Contre les clichés, rien ne vaut une carte. Le géographe social Samuel Delépine pour le texte et le géomaticien Alexandre Nicolas pour l'image ont sans doute pensé à cela pour élaborer leur Atlas des Tsiganes. Excellent par la qualité des informations et par la clarté des démonstrations.
En se contentant de restituer des faits, ils mettent en place les étapes de l'aventure de ces Tsiganes dont l'origine est incertaine - indienne sans doute -, avant leur dispersion en Europe au XIVe siècle. Esclaves en Roumanie, sédentarisés de force dans l'Empire austro-hongrois, exterminés par les nazis aux côtés des Juifs, internés en France entre 1940 et 1946, sévèrement contrôlés dans les pays du bloc de l'Est communiste après la guerre, qu'on les appelle Roms, Gitans, Romanichels, Manouches, Bohémiens ou gens du voyage, ce qui les lie, c'est le rejet qu'ils suscitent.
Car pour le reste, il est difficile de trouver un lien entre ces groupes très divers et sédentarisés à 90 %, surtout pour ceux qui ne sont pas gitans et que les Gitans appellent les gadjé. "Il n'y a que les gadjé pour s'imaginer qu'on s'entend tous bien et qu'on est tous pareils sous prétexte qu'on a tous des caravanes", affirme l'un d'eux. En effet, la Tsiganie n'existe pas ! C'est en revanche une histoire, avec beaucoup d'imaginaire dans les représentations et pas mal de fantasmes dans la caractérisation. Dans nos sociétés occidentales, il n'y a plus que les objets technologiques qui sont nomades. Pour le reste, tout ce qui n'est pas sédentaire est suspect.
Les auteurs ne se contentent évidemment pas d'évoquer ce passé, qui reste d'ailleurs toujours à explorer tant il est méconnu. Ils apportent de nombreux éléments sur la culture, qui ne se limite pas à la musique, le statut, la difficile scolarisation, la pauvreté, la santé et l'habitat des Tsiganes aujourd'hui, en France et en Europe. Ils montrent combien la carte constitue un bon outil de vulgarisation et de connaissance. Voici donc un panorama complet, historique, sociologique, politique et religieux sur ces éternels indésirables, ces étrangers de l'intérieur transformés périodiquement en sujets de polémiques.