L'approche historique de Bill Bryson est résumée dans le titre de son livre paru en 2007 chez Payot : Une histoire de tout, ou presque... Cet auteur américain devenu, par son esprit, plus britannique qu'un Anglais peut parler de tout, ou presque, avec une énergie communicative et un sens de la construction stimulante. Cette fois, il invite ses lecteurs à une promenade intime dans le corps humain. Et bien sûr, pour commencer la visite, il commence par le sien, un peu comme il le faisait dans son Histoire du monde sans sortir de chez moi (Payot, 2014). Bill Bryson a compris que la bonne vulgarisation commence à dimension humaine. Et là, en l'occurrence, il ne pouvait mieux tomber puisque tout son récit tourne autour de l'enveloppe charnelle qui nous constitue. « La seule qualité remarquable des éléments qui nous composent, c'est qu'ils nous composent. » Pour comprendre un peu mieux de quoi nous sommes faits, il les passe en revue comme un mécanicien ferait la nomenclature d'une voiture, qui a connu plusieurs versions avant d'arriver au modèle que nous connaissons avec un cerveau gros consommateur d'énergie : « Rien d'aussi merveilleux et complexe que la masse spongieuse d'1,5 kg située entre vos deux oreilles. »
Avec la précision du connaisseur, mais utilisant habilement l'anecdote pour que jamais l'attention ne se relâche, il examine les organes principaux, les parties du corps, les cinq sens, les caractéristiques de la bipédie, l'exercice physique, l'équilibre musculaire, la résistance à des accidents stupéfiants, l'alimentation, l'intestin, le sommeil, la sexualité, la douleur, le système nerveux, les maladies, le cancer et la mort. « Nous vivons à une époque où c'est le plus souvent notre mode de vie qui nous tue. » Bill Bryson ne croit pas si bien dire en achevant cette nouvelle version de son texte, alors qu'il est confiné en Angleterre. « Si donc vous avez finalement décidé de vous faire incinérer, sachez que vos cendres pèsent dans les 2 kg. » Un peu d'humour noir n'a jamais tué personne.
Ce cours d'anatomie joyeuse et érudite, encyclopédie du corps sous la forme d'un récit qui mêle l'histoire des sciences, les faits curieux et les paroles d'experts souvent américains se dévore avec gourmandise. En présentant la vie comme « un long, passionnant et admirable accident », il essaime une philosophie de l'existence. « Le miracle de la vie humaine n'est pas que nous soyons affligés de certaines fragilités mais que nous ne soyons pas submergés par elles. »
Après l'expérience inédite du coronavirus - les virus que le prix Nobel de biologie Peter Medawar présentait comme « une mauvaise nouvelle enveloppée dans une protéine » -, cette histoire cherche, sans aucune prétention autre que celle du savoir, à nous faire prendre conscience de la fragilité mais aussi de la force du corps humain. Rien que pour cela, il mérite un peu plus que notre attention. Une forme de reconnaissance pour que nous puissions comme lui conclure : « C'était bon tant que ça a duré, pas vrai ? »