Paula Fox avait déjà commencé à égrainer ses souvenirs dans Parure d'emprunt (Joëlle Losfeld, 2008, repris en Folio). Des mémoires qui démarraient lorsqu'elle avait 17 ans, évoquaient son père scénariste à Hollywood et emmenaient le lecteur à Cuba. L'hiver le plus froid reprend l'affaire dans l'immédiat après-guerre. Mrs Fox est une pure New-Yorkaise. L'écrivaine y est née et a vécu dans Manhattan et ses environs une bonne partie de sa vie. Adolescente, au hasard des rues, il lui est arrivé de croiser Duke Ellington. De voir Leadbelly jouer de la guitare et chanter dans une fête de charité, de ramasser le manteau de Billie Holiday dans un bar ou d'aller écouter Art Tatum se produire "pour le prix d'une bière, dix cents".
Serveuse dans les Catskills durant l'été 1946, elle ambitionnait de traverser l'Atlantique à destination de Southampton à bord d'un navire de guerre sommairement réaménagé. Le voyage de six jours l'amena à Londres. Elle y trouva un boulot à la 20th Century Fox où elle lisait des scénarios, puis chez un éditeur, payée une ou deux guinées par manuscrit, tout en posant comme mannequin pour Harper's Bazaar. Une époque où elle fréquentait des comédiens et des journalistes, allait au cinéma et au théâtre.
La voici ensuite à Paris, ville "silencieuse, triste et meurtrie", logée dans une pension tenue par une rescapée de Dachau. L'occasion de s'éprendre d'un politicien corse, de pousser jusqu'à Saint-Malo où elle discute avec un certain Jean-Paul Sartre, "petit homme qui louchait d'un oeil". Correspondante d'une agence de presse britannique, la future auteure de Personnages désespérés (J. Losfeld, 2004, repris en Folio) peut se rendre à Prague, à Varsovie ou en Silésie. A Barcelone, elle visite également un grand-oncle qui a été ami avec le philosophe Ortega y Gasset et a souffert du franquisme.
Son oeil déjà aiguisé ne ratait aucun détail d'un monde dévasté et convalescent. Un monde aux plaies mal refermées qui allait la faire grandir.